La Suisse défend son secret bancaire

Mardi 25 mars 2008

La Suisse défend son secret bancaire

Extraits d’un article mis en ligne sur le site du journal La Croix :

L’affaire du Liechtenstein provoque une levée de boucliers en Suisse, où l’on appréhende de nouvelles pressions de la part de l’Europe

Au Beau Rivage, l’hôtel de luxe qui fait face au lac Léman, à Lausanne, Me Édouard Chambost reçoit sa clientèle internationale. Il y a ses habitudes et une table réservée, près du bar. Son Guide Chambost des paradis fiscaux, qui en est à sa huitième édition, est traduit en neuf langues.

Cet avocat d’origine française décrit très courtoisement son métier de consultant fiscal international. Ses clients ? Des entreprises et de grandes fortunes, en quête d’imposition minimale.

« Un fax avec des instructions », envoyé à l’un de ses soixante correspondants basés dans les paradis fiscaux, tient parfois lieu de prestations. Ses services sont facturés entre 20 000 € et 100 000 €. « C’est un investissement, car, en toute légalité, mes clients peuvent ne plus payer d’impôts en dormant tranquille », précise-t-il.

"La violation du secret bancaire est un délit pénal"

Me Édouard Chambost ne croit pas une seconde que le secret bancaire suisse puisse pâtir de la récente affaire de fraude fiscale au Liechtenstein. Une vaste enquête a été lancée courant février en Allemagne sur un millier de contribuables soupçonnés d’avoir contourné le fisc de leur pays avec des placements dans la principauté alpine.

« La violation du secret bancaire est un délit pénal, puni jusqu’à cinq ans de prison, précise Me Édouard Chambost. Le banquier indélicat risque d’être mis à la porte et de figurer sur une liste noire qui l’empêchera de retrouver un emploi dans le secteur. Les contrôles internes sont importants. Peu de monde a accès aux noms des clients. Les employés ne connaissent que les numéros de compte. Par ailleurs, les banques sont responsables à 50 % de la faute commise par un employé. »

La Suisse est dans le collimateur de l’Union européenne

La Suisse et son secret bancaire sont néanmoins dans le collimateur de l’Union européenne. Il leur est reproché de faire la distinction entre « soustraction (ou évasion) fiscale », un simple « oubli » de déclaration de revenu, pour lequel le contribuable risque un redressement fiscal, et la « fraude fiscale », provoquée par une fausse déclaration ou la falsification de documents, qui relève, elle, du pénal et permet donc la levée du secret bancaire.

La Déclaration de Berne, association suisse en pointe dans la lutte contre les paradis fiscaux, bataille pour que cesse cette « distinction hypocrite ».

« Un accord amiable vient d’être signé avec les États-Unis pour élargir la définition de la fraude fiscale et faciliter, dans certains cas, la transmission d’informations. Nous demandons son extension aux autres pays. Ce sera un premier pas, explique Anne-Kathrin Glatz, signataire de la Déclaration de Berne. Comme l’évasion fiscale n’est pas sanctionnée, elle est devenue un sport national en Europe. Les démocraties sont les premières à souffrir de ce manque à gagner. Sans compter que cet argent emprunte les mêmes circuits que le crime organisé ou le terrorisme. »

80 % des Suisses favorables au secret bancaire

« Tant que l’évasion fiscale ne sera pas considérée comme un délit pénal, le secret bancaire ne pourra pas être levé, renchérit Jean-Claude Huot, secrétaire romand de l’Action du Carême, une ONG catholique. Au Liechtenstein, des fondations (1) placent leur argent à Zurich. Tout le monde le sait. Bruxelles le sait. Après, il faut savoir jusqu’à quel point on peut demander à un banquier de jouer les policiers et de s’assurer que son client dit la vérité, alors qu’il doit établir une relation de confiance avec lui. »

La retenue ne s’exerce que sur les personnes

« En 2006, la Suisse a rétrocédé un demi-milliard d’euros aux pays de l’UE dans le cadre de la retenue à la source. En 2007, ce montant devrait être encore plus important, a insisté Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale socialiste chargée des affaires étrangères. Les négociations sur la directive épargne ont été dures. S’il y a des lacunes, ce n’est pas notre faute. »

La retenue, pointe de son côté Jean-Claude Huot, ne s’exerce que sur les personnes (et non sur les sociétés ou fondations) et sur les seuls intérêts provenant de l’épargne.

Aude CARASCO, à Lausanne

(1) Société dans laquelle un mandant gère l’argent d’un tiers, qui reste anonyme.

© La Croix

Publié avec l’aimable autorisation du journal La Croix.

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