Van Ruymbeke sceptique sur les paradis fiscaux

Jeudi 2 avril 2009

01-04-2009 - 13:37 INTERVIEW G20 -

Van Ruymbeke sceptique sur les paradis fiscaux

par Thierry Lévêque

PARIS, 1er avril (Reuters) - Le juge Renaud Van Ruymbeke, spécialiste français des enquêtes financières, juge hypocrites les déclarations d’intention du G20 contre les paradis fiscaux et préconise des mesures concrètes dans un entretien à Reuters.

Après avoir exploré dans les années 1990 le financement occulte du Parti socialiste, ce magistrat a instruit à Paris des enquêtes sur les détournements de fonds à Elf, l’affaire d’une vente de frégates à Taiwan en 1991, un dossier sur les fraudes financières lors de transferts de footballeurs professionnels du Paris Saint-Germain ou encore l’affaire de la perte en trading de Jérôme Kerviel à la Société générale.

Selon lui, il est douteux que le sommet du G20, qui s’ouvre mercredi à Londres, accouche de mesures concrètes car l’économie mondiale est profondément imbriquée avec les paradis fiscaux, où multinationales et grandes banques sont implantées.

"On nage en pleine hypocrisie. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est qu’il y a certains hommes politiques qui s’emparent du problème« , déclare-t-il. »A eux de prendre des décisions. Les grands Etats ont la possibilité d’imposer à de petites îles exotiques des règles de transparence. Est-ce qu’ils le veulent réellement ou pas ?".

Il se montre pour le moins sceptique.

"Les intérêts économiques en jeu ont toujours pris le pas sur l’éthique", estime Renaud Van Ruymbeke, qui a lancé en 1996 avec un groupe de magistrats européens « l’appel de Genève » contre le secret bancaire.

"On a eu l’impression d’être écouté, mais sur le terrain ça n’a pas changé grand-chose. D’ailleurs, les paradis fiscaux se sont amplement développés depuis cette date".

SINGAPOUR ET MAURICE « CONSEILLÉS »

La liste des Etats qui pourraient, selon ce magistrat, être placés sur une liste noire s’est allongée, dit-il.

« Deux exemples parfaits, et je les conseille d’ailleurs à ceux qui ont de l’argent sale à placer, c’est l’île Maurice et Singapour. Quand un juge fait une demande à l’île Maurice dans une enquête, il n’y a pas de réponse. A Singapour, on lui répond ’nous sommes tout à fait prêts à coopérer mais donnez-nous d’abord l’accord du titulaire du compte’ », explique-t-il.

Les « meilleurs » paradis fiscaux ne sont pas forcément les plus connus, ajoute-t-il. « Ceci montre bien l’ignorance qu’on a de l’ampleur du problème et des solutions qu’il faudrait y apporter ».

Ce développement des paradis fiscaux « n’a pu se faire que parce que les grands Etats l’ont accepté et donc parce que, quelque part, ils y trouvent leur compte », estime le juge, qui ne croit pas à un changement rapide.

« Je n’ai pas le sentiment qu’après-demain, je vais pouvoir me dire ’je vais pouvoir ouvrir toutes les portes’ ».

C’est la transparence qui doit guider l’action concrète, dit-il. « Une mesure consisterait déjà à centraliser les informations (bancaires - NDLR) au niveau de la Suisse ou du Luxembourg, comme ça se fait en France, ce serait déjà du concret, on en est très loin », dit-il.

Renaud Van Ruymbeke voit de l’espoir dans deux événéments récents, l’offensive menée en 2008 par l’Allemagne contre une banque au Liechtenstein, dont elle a obtenu une liste de comptes, et celle que les Etats-Unis ont conduite contre l’Union des banques suisses (UBS), forcée de remettre une liste de comptes sous la menace d’une interdiction aux Etats-Unis.

« Cet exemple est intéressant, parce qu’il montre bien que lorsqu’il y a une véritable menace et qu’il y a une véritable volonté politique, les paradis fiscaux sont obligés de reculer ».

Selon lui, la France est loin de ce mode d’action.

« Les seuls qui, en France, se sont intéressés à la question sont les juges d’instruction et on propose aujourd’hui de les supprimer purement et simplement. Ça ne fera pas progresser beaucoup, me semble-t-il, la question ».

(Édité par Yves Clarisse)

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