Fonds spéculatifs : Bruxelles se décide à agir, sans convaincre complètement

Vendredi 1er mai 2009

Fonds spéculatifs : Bruxelles se décide à agir, sans convaincre complètement

BRUXELLES (AFP) — Pressée d’agir depuis des mois, la Commission européenne a finalement fait mercredi des propositions pour encadrer les fonds spéculatifs accusés d’avoir amplifié la crise financière, mais beaucoup jugent son approche encore trop timide.

Le commissaire irlandais Charlie McCreevy, chargé des services financiers et partisan de l’autorégulation, a beaucoup traîné des pieds pour légiférer, même après un coup de semonce en septembre du Parlement européen.

« Les fonds spéculatifs ne sont pas la cause de la crise actuelle », a-t-il encore affirmé mercredi. Il a cependant concédé qu’ils « peuvent présenter des risques pour les marchés financiers », lorsqu’ils utilisent un « effet levier » en recourant massivement à l’endettement.

Il propose désormais d’obliger les gestionnaires de fonds à demander une autorisation d’exercer dans l’UE. Ils devront aussi respecter certaines règles de transparence, notamment sur leur endettement, et de limitation des risques.

En échange, ils obtiendront un « passeport européen » permettant de commercialiser leurs fonds dans toute l’UE.

La mesure vaudra pour tous les gestionnaires de fonds dits « alternatifs » à partir de 100 millions d’euros d’actifs dans leur portefeuille : les fameux « hedge funds », mais aussi ceux qui investissent dans l’immobilier, les matières premières, les sociétés non cotées…

Cela permettra selon Bruxelles de toucher 90% des actifs gérés par des hedge funds dans l’UE, contre 76% avec un seuil d’actifs de 250 millions d’euros comme l’envisageait Bruxelles dans ses précédentes moutures.

Les gestionnaires aux pratiques moins risquées, qui s’engagent pour au moins cinq ans et renoncent à l’effet levier, ne seront eux touchés qu’à partir de 500 millions d’euros d’actifs.

Charlie McCreevy espère ainsi « capturer les segments les plus importants pour la stabilité du marché sans trop plomber les petites entreprises » qui ont souvent recours au capital-risque pour se financer.

Et de rappeler l’importance des fonds alternatifs, qui représentent un marché de 2.000 milliards d’euros dans l’UE (dont 1.200 milliards pour les seuls fonds spéculatifs), « surtout actuellement quand les banques restreignent leurs prêts ».

« Notre objectif n’est pas de faire fuir le secteur d’Europe, » a-t-il prévenu.

Le projet a été très critiqué ces dernières semaines par les eurodéputés et certains pays européens, qui pourront retoucher la copie de Bruxelles. Certains y voyaient une porte ouverte à la commercialisation en Europe de fonds offshore, basés dans des paradis fiscaux mais dont les gestionnaires seraient enregistrés dans l’UE.

Pour calmer ces inquiétudes, Bruxelles prévoit d’attribuer pendant les trois premières années le passeport européen aux seuls fonds domiciliés en Europe, seuls les pays qui le souhaitent pouvant accepter les autres.

Le passeport s’étendrait ensuite aux « fonds des pays tiers qui respectent des règles strictes de régulation, de supervision et de coopération, y compris en matière fiscale », selon M. McCreevy, qui évoque "un important signal politique aux centres offshore« . »Cette directive a plus de trous qu’un fromage suisse« , estime encore néanmoins le leader du Parti socialiste européen, le Danois Poul Nyrup Rasmussen, dénonçant »une régulation inadéquate« où »les fonds eux-mêmes échappent à la régulation".

C’est « un pas dans la bonne direction, mais peut-être pas suffisant », a aussi jugé l’eurodéputé conservateur français Jean-Paul Gauzès.

Pour Florence Lombard, directrice exécutive de l’association représentant les fonds alternatifs AIMA, les propositions vont au contraire déjà trop loin et ne sont « pas une réponse proportionnée à aucune des causes identifiées de la crise ».

Copyright © 2009 AFP.

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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