Plainte pour corruption dans l’attentat de Karachi en 2002

Mercredi 16 décembre 2009

Plainte pour corruption dans l’attentat de Karachi en 2002

Une plainte pour « corruption » a été déposée par six familles de victimes de l’attentat qui a coûté la vie à 11 Français à Karachi le 8 mai 2002, apprend-on mercredi au bureau du procureur Jean-Claude Marin.

Cette démarche, effectuée lundi dernier auprès du parquet de Paris, vise à provoquer une enquête sur les commissions versées à des Pakistanais, et leur possible retour partiel en France, en marge d’une vente de sous-marins par la France au Pakistan.

« La plainte est à l’étude », a dit une porte-parole du procureur, qui peut soit ouvrir une enquête soit classer la demande sans suite. Dans ce dernier cas, les plaignants pourront alors saisir directement un juge d’instruction indépendant.

Les plaignants visent aussi les faits de « faux témoignage et entrave à la justice », en raison du fait que les autorités françaises auraient selon eux caché le scénario de l’attentat.

Un kamikaze avait fait 14 morts, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN), en précipitant une voiture bourrée d’explosifs sur un bus sortant d’un hôtel. Les victimes travaillaient sur place à la construction de sous-marins français de type Agosta.

La piste islamiste a été privilégiée jusqu’à l’année dernière, quand deux islamistes condamnés à mort initialement ont été acquittés en appel au Pakistan et quand un nouveau juge d’instruction français, Marc Trévidic, a mis au jour une piste militaire pakistanaise.

L’hypothèse désormais privilégiée est qu’une fraction de l’armée pakistanaise a voulu punir la France pour l’arrêt du paiement de commissions en marge de la vente des sous-marins après l’élection de Jacques Chirac en 1995 et sa réélection en 2002.

RAPPORT SECRET

Dans la plainte rédigée par leur avocat, Me Olivier Morice, les plaignants mentionnent des éléments accréditant l’hypothèse qu’une partie de l’argent des commissions des sous-marins a financé la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995.

Edouard Balladur n’a jamais été interrogé par la justice à ce jour sur ces faits. Il a nié dans la presse toute malversation. Son directeur de campagne était Nicolas Sarkozy.

Me Morice cite à l’appui de sa plainte un rapport secret d’un cadre de la DCN exposant cette hypothèse, une note récemment déclassifiée de la DGSE (les services secrets) relatant les liens entre un des intermédiaires libanais ayant véhiculé les commissions occultes et les réseaux Balladur.

Les plaignants s’appuient aussi sur des découvertes mentionnées dans un courrier de 2007 du parquet de Paris, que Reuters a pu consulter.

Ce courrier mentionne la société Heine, créée au Luxembourg en 1994 par la Direction des constructions navales (DCN).

Un document saisi à la DCN mentionne « l’aval du directeur de cabinet du Premier ministre (Edouard Balladur - NDLR) et celui du ministre du Budget (Nicolas Sarkozy-NDLR) et laisse supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur pour la présidentielle de 1995 », explique le procureur Jean-Claude Marin dans le courrier.

Nicolas Sarkozy a qualifié de « fable » en juin dernier le scénario d’un attentat commandité par des militaires pakistanais mécontents du non-paiement de commissions.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

© REUTERS

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence Reuters.

Visitez le site de l’Agence Reuters.

Revenir en haut