Karachi : l’ancien ministre de la Défense Charles Millon fait état dans un livre d’une enquête sur des rétrocommissions

Mercredi 5 mai 2010

Karachi : l’ancien ministre de la Défense Charles Millon fait état dans un livre d’une enquête sur des rétrocommissions

PARIS (AP) — Dans « Le contrat », un livre à paraître le 19 mai qui relate les dessous de la vente de trois sous-marins par la France au Pakistan en 1994, l’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, affirme aux auteurs avoir à la demande du chef de l’Etat d’alors, Jacques Chirac, ordonné aux services secrets français une enquête en 1995 sur les rétrocommissions liées aux contrats d’armements passés sous le gouvernement d’Edouard Balladur.

"J’ai demandé à la DGSE de mener une mission pour retrouver la trace de l’argent des rétrocommissions. Elle y est parvenue et des traces ont bien été retrouvées dans les établissements bancaires de cinq pays : l’Espagne, la Suisse, Malte, Chypre, et le Luxembourg« , indique M. Millon aux journalistes Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, dont »L’Express" publie mercredi de larges extraits de leur ouvrage.

Mais l’ex-ministre de Jacques Chirac, qui assure qu’il n’a « pas envie de prendre une balle » en raison de ces histoires de vente d’armement, ne dit pas à qui sont allées ces rétrocommissions.

Plusieurs anciens responsables de l’ex-Direction des constructions navales (DCN) ont déclaré à la justice, dans le cadre de l’enquête sur l’attentat de Karachi (14 morts dont 11 Français en mai 2002), que deux intermédiaires de ce contrat de vente de trois sous-marins Agosta avaient été imposés « par le pouvoir politique » français, à savoir le ministre de la Défense de l’époque, François Léotard, qui soutenait la candidature d’Edouard Balladur, opposé au sein du RPR à Jacques Chirac.

Ces deux intermédiaires, Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, qui réclamaient 4% de commissions supplémentaires, sont également intervenus sur un autre contrat de vente de frégates à l’Arabie Saoudite, baptisé Sawari II. Interrogé, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin assure aux auteurs que « Chirac n’a pas donné d’instructions à Millon sans éléments » évoquant le « trésor de Balladur » auquel voulait s’attaquer Jacques Chirac après son élection en 1995.

« Il n’y avait peut-être pas de preuves matérielles, mais de nombreux indices. Notamment des écoutes, beaucoup d’écoutes. Et quand vous entendez toujours les mêmes noms revenir, ceux d’intermédiaires, surtout Takieddine (…) de ministres eux-mêmes, de Balladur et de son financement (…) Il n’y avait aucune ambiguïté », assure M. de Villepin.

L’un des intermédiaires, Ziad Takieddine, affirme dans cet ouvrage être un ami « depuis longtemps » de l’actuel chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy qu’il dit avoir aidé à « débloquer » des contrats en Arabie Saoudite, dont le contrat Miksa remporté à l’été 2009 par EADS. Mais l’intermédiaire réfute toute intervention dans le contrat Agosta.

Mardi soir, l’Elysée ne souhaitait pas réagir à ces informations. En 1995, M. Sarkozy était ministre du Budget dans le gouvernement Balladur, et directeur de campagne du rival de Jacques Chirac.

Un contrôleur général des armées, Jean-Louis Porchier, affirme de son côté dans ce livre que le contrat Agosta, pour lequel il avait rédigé un rapport en 1999, comportait des irrégularités « qui méritaient des sanctions au niveau le plus élevé, je veux dire jusque dans l’entourage du ministre de la Défense de l’époque, François Léotard ».

La justice française enquête sur l’attentat de Karachi en mai 2002 dans lequel 14 personnes, dont 11 salariés français de la DCN, ont trouvé la mort. Alors que l’hypothèse Al-Qaïda a longtemps été privilégiée, les juges d’instruction Marc Trévidic et Yves Jannier étudient aujourd’hui la possibilité qu’il s’agisse en fait d’un règlement de comptes entre le Pakistan et la France dont l’origine pourrait être liée à l’arrêt du versement des commissions en marge du contrat Agosta. Pour l’instant, le lien entre celles-ci et l’attentat n’est pas avérée.

L’ancien Premier ministre Edouard Balladur, mis en cause sur un financement occulte présumé de sa campagne présidentielle de 1995, a été entendu à sa demande le 28 avril par la mission d’information parlementaire sur l’attentat de Karachi. Une mission dont les travaux, selon le rapporteur socialiste Bernard Cazeneuve, ont été confrontés à des « blocages absolus » de l’exécutif.

Interrogé à huis clos pendant une heure sur le lien présumé existant entre l’attentat de 2002 et le financement de sa campagne présidentielle en 1995, M. Balladur n’a fait aucun commentaire à sa sortie. Il avait soudainement souhaité le 27 avril être entendu par la mission après les révélations la veille du journal « Libération » sur l’existence de rétrocommissions occultes liées à la vente par la France de trois sous-marins français au Pakistan. « Rien ne correspond à la vérité, rien n’est étayé par les faits », a déclaré le 26 avril Edouard Balladur, qualifiant de « tissu d’invraisemblances et d’absurdités » les informations de « Libération ».

pas/sc/ll

© AP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Associated Press.

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