Marc Roche : « Le capitalisme de l’ombre échappe à toute forme de contrôle »

Vendredi 9 septembre 2011

Marc Roche : « Le capitalisme de l’ombre échappe à toute forme de contrôle »

La montée en puissance d’un capitalisme non réglementé est facteur de déstabilisation de l’économie. Un constat accablant dressé par Marc Roche, le correspondant du Monde à Londres, dans son dernier livre : « Le capitalisme hors la loi » (Albin Michel).

Extraits de l’interview sur le site de Boursorama :

Qu’entendez-vous aujourd’hui par « capitalisme hors la loi » ? Est-ce l’ensemble du système qui selon vous aurait déraillé ?

Marc Roche : J’ai passé l’essentiel de ma vie professionnelle entre Wall Street et la City de Londres et je pense toujours que le capitalisme est le système le plus performant pour créer des richesses. Pour autant, je suis choqué par la montée en puissance au cours de ces dernières années d’un capitalisme non réglementé qui déstabilise le fonctionnement de l’économie mondiale et retient en otage Etats, consommateurs, salariés et petits actionnaires. Précisons d’emblée que le « capitalisme de l’ombre » que j’évoque n’a rien à voir avec la mafia ou le financement du terrorisme. Dans ce capitalisme non réglementé, on retrouve aussi bien les hedge funds, le private equity, les structures de hors-bilan (SPV, SIV etc.), les fonds souverains, les chambres de compensation, la spéculation sur les matières premières ou les paradis fiscaux. Or, toute tentative de régulation sérieuse de ce capitalisme de l’ombre, dont l’importance est comparable à celle du capitalisme réglementé, est bloquée par la puissance du lobby bancaire et par la connivence de ce dernier avec le monde politique.

[…]

Vous évoquez dans votre livre le rôle néfaste des paradis fiscaux. Au-delà des problèmes récurrents d’évasion fiscale, quel est leur degré de responsabilité dans la crise ?

M.R : Les paradis fiscaux ne datent pas d’hier mais il est vrai que beaucoup de structures impliquées dans la crise des subprimes étaient implantées dans des paradis fiscaux. De nombreux hedge funds sont immatriculés aux Iles Caïmans où ils peuvent bénéficier d’une réglementation minimale. Mais, au-delà de la crise financière, je cite aussi l’exemple du pétrolier BP qui a utilisé les services d’une société de services parapétroliers Transocean immatriculée dans le canton de Zoug en Suisse, permettant à ce dernier de bénéficier d’une législation très souple et de s’affranchir des mesures de sécurité strictes pour maximiser ses profits. Rappelons que l’explosion de la plate-forme de BP dans le Golfe du Mexique en avril 2010 a causé la mort de onze personnes et la pire marée noire de l’histoire américaine.

La lutte contre les paradis fiscaux est-elle vraiment engagée depuis 2008 ?

M.R : Non, rien de sérieux n’a été entrepris dans ce domaine car les grands Etats disposent de leurs propres paradis fiscaux. Pourquoi le Royaume-Unis se joindrait à cette lute alors que les îles anglo-normandes, Gibraltar ou les îles Caïmans servent de rabatteurs de fonds pour la City de Londres ? Mais les Etats-Unis avec le Delaware, l’Italie avec Monaco, ou la Chine avec Hong-Kong ne sont pas en reste. Si les relations en matière d’évasion fiscale sont parfois tendues entre grands pays et paradis fiscaux, il y a trop d’intérêts en jeu pour modifier en profondeur les règles du jeu.

Lire la suite sur le site de Boursorama.

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