Quelle « appropriation » du G20 par la société civile ?

Mardi 11 octobre 2011

Quelle « appropriation » du G20 par la société civile ?

Point de vue | LEMONDE.FR | 11.10.11 | 09h21 • Mis à jour le 11.10.11 | 09h21

par Isabelle Brachet, chargée de la campagne G20 chez Peuples Solidaires/ActionAid

Le ton était donné : lorsque la France a pris la présidence du groupe des vingt, ou G20, qui réunit les 20 pays les plus riches et puissants au monde, le président de la République a insisté sur l’appropriation citoyenne du G20, « afin de réduire l’écart existant entre les réformes concrètes mises en œuvre et leur perception par l’opinion publique. »

A quelques semaines de la tenue du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, à Cannes, début novembre, quel bilan tirer de cet engagement ? La déception prévaut, c’est certain… La société civile a été entendue, c’est vrai, mais rarement écoutée.

Les interactions entre le milieu associatif et les autorités françaises sur les questions à l’ordre du jour du G20 ont été régulières. Si la qualité de ces échanges s’est nettement améliorée au cours des derniers mois, de manière générale, les options défendues par la société civile n’ont pas été retenues. Pourtant, les sujets aujourd’hui à l’ordre du jour du G20 sont portés de longue date par la société civile, qu’il s’agisse de la lutte contre les paradis fiscaux, des questions d’agriculture et d’alimentation, ou encore de la taxe sur les transactions financières. Mais les positions défendues par les associations vont contre les intérêts de certains acteurs privés à qui le statu quo profite : paradis fiscaux, spéculation effrénée – y compris sur les produits agricoles –, marchés financiers peu régulés et cadres juridiques non contraignants permettent à une minorité de faire des profits juteux.

Il est vrai que la France n’est pas seule dans ce grand jeu, et qu’il ne suffit pas de vouloir faire avancer certains dossiers pour pouvoir le faire. Dix-neuf autres grandes puissances, aux intérêts parfois très divergents et où les citoyens ne peuvent pas toujours faire valoir leurs vues (Arabie saoudite, Chine), défendent avec acharnement leur intérêt au sein du G20. Ainsi, les avancées concrètes sont rares. « Le G20 est un processus, les progrès depuis trois ans sont indéniables », nous dit-on du côté du gouvernement français. Est-ce seulement une question de temps, ou le G20 n’est-il au fond pas le lieu adéquat pour impulser des changements de politique en profondeur ?

Ainsi, sur les dix recommandations sur l’alimentation et l’agriculture que nous avons adressées au G20, pas une n’a effectivement été mise en œuvre ; deux d’entre elles ont été partiellement prises en compte dans les discours du G20, mais quant à allier la parole aux actes…

Mais alors, ça sert à quoi tout ça ? A faire entendre aux décideurs des voix différentes, qui ne soient pas celles des grandes entreprises et des autres acteurs à qui le système actuel bénéficie. Des voix qui se font l’écho des réalités du terrain, des demandes et besoins des gens qui, ici et ailleurs, sont à mille lieues du G20. Cela sert aussi à rappeler à nos dirigeants, inlassablement, qu’il existe d’autres enceintes au sein des Nations unies, où tous les pays sont représentés, et qui sont plus légitimes que le G20 pour prendre des décisions. Cela sert enfin à décrypter les enjeux et à pointer du doigt les défaillances, alors que les dirigeants du G20 présentent leur bilan avec auto-satisfaction.

C’est pourquoi une coalition très large et diverse de la société civile organise, avec des moyens financiers dérisoires, un forum alternatif à Nice, début novembre, face au G20 de Cannes. Au programme une manifestation le 1er novembre, suivie d’ateliers, de débats et d’actions de rue les 2 et 3 novembre, pour stimuler échanges citoyens et discussions autour des questions traitées par le G20. La municipalité de Nice n’a pas toujours facilité la tâche des organisateurs, qu’il s’agisse de la mise à disposition de lieux pour les ateliers, ou encore pour l’hébergement de participants venus du monde entier.

On peut se demander si les organisateurs du Young Entrepreneurs Summit, qui se tiendra au même moment dans le centre-ville de Nice, ont bénéficié d’une assistance plus bienveillante de la part des autorités locales. Ceux qui pensent qu’un autre monde est possible, qui ne soit pas dominé par la finance, mais où cette dernière serait au service des femmes et des hommes, sont malheureusement perçus avec méfiance… Dommage. Question de patience ?

© Le Monde.fr

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