Bateaux-poubelles, bateaux-galères, même combat

Mercredi 17 mai 2006 — Dernier ajout mercredi 5 septembre 2007

Social

Bateaux-poubelles, bateaux-galères, même combat

Préoccupés de renforcer la lutte contre les bateaux dangereux pour l’environnement, les Européens oublient d’agir contre les pavillons de complaisance où les droits des marins sont bafoués, au nom de la réduction des coûts. Des associations françaises lancent une campagne contre les méfaits de cette déréglementation.

Les bateaux-poubelles qui risquent, à chaque instant, en raison de leur vétusté et du manque d’entretien, de polluer les côtes sont un cas limite qui cache un problème beaucoup plus large, celui des bateaux-galères, affirment les associations Agir Ici, Attac et BPEM (Biens publics à l’échelle mondiale). Elles lancent une campagne de sensibilisation de l’opinion publique et de pression auprès du gouvernement français et de la Commission européenne pour en finir avec les pavillons de complaisance et pour imposer, en faveur des marins, des conditions de travail et de rémunérations conformes au droit et à leur dignité. Actuellement elles sont plus proches de l’esclavage, selon les promoteurs de cette campagne.

Les pavillons de complaisance permettent l’immatriculation de navires étrangers dans des pays peu regardants sur le droit du travail et les contrôles de sécurité. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) en recense 28 dont la liste recouvre en partie, et ce n’est pas un hasard, celles des paradis fiscaux ou des pays accueillants à l’argent sale. Cinq des plus grosses flottes mondiales sont sur cette liste noire dont Panama, Libéria, Bahamas, Malte, Chypre. A noter que les deux derniers pays font leur entrée dans l’Union européenne le 1er mai prochain.

Pour François Lille, président de BPEM et lui-même ancien marin, la dérégulation sociale qui sévit chez les pavillons de complaisance finit par s’étendre à l’ensemble du secteur des transports maritimes, car la concurrence mondiale fait rage et pousse à la réduction maximum des coûts. Afin d’y parvenir, les armateurs situés dans les pays industrialisés font appel à une main d’œuvre originaire des pays du sud. On considère que trois marins sur quatre sont recrutés dans les pays en développement, avec le cas plus complexe des marins issus des anciens pays du bloc soviétique. Des entreprises de travail maritime font la liaison entre les armateurs et environ 950 000 marins rémunérés et traités en fonction de leur origine. Ainsi, sur un même bateau et pour un même travail des marins peuvent relever de cinq ou six statuts différents avec autant de niveaux de rémunération.

Pavillon de complaisance français

L’une des revendications de la campagne contre les pavillons de complaisance tend à inciter les Etats de l’Union européenne, y compris les futurs pays membres, à ratifier la convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires et les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les gens de mer. A ce jour la convention des Nations Unies n’a pu entrer en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications, dont celles de tous les pays de l’Union européenne. Quant aux conventions OIT, la France ne s’est engagée que sur celle portant sur les conditions minimales de travail.

En France, Agir Ici dénonce la tentation de créer un pavillon de complaisance « national », plus dérogatoire que l’actuelle immatriculation dans les terres australes françaises ou à Wallis-et-Futuna, afin de résister à la concurrence internationale. La création d’un Registre international français répondrait à cette attente. Ainsi la proposition de loi déposée le 30 octobre dernier par le sénateur UMP Henri de Richemont a pour but de créer un régime d’immatriculation des navires « aussi attractif que les autres registres internationaux européens ». Cela consiste en un retour en arrière sur le droit social français, soulignent les associations, en ce qui concerne la durée du travail, le salaire minimum, la couverture sociale.

Par Francine Quentin.

Source RFI.

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