Juges français et américain collaborent dans le dossier de corruption Halliburton

Vendredi 18 mai 2007

Juges français et américain collaborent dans le dossier de corruption Halliburton

AFFAIRES Un haut magistrat de Washington a rencontré la semaine dernière le juge Van Ryumbeke.

Eric Decouty [20 juin 2005]

Un rendez-vous judiciaire inédit et secret a eu lieu la semaine dernière, dans les locaux du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris.

Le juge Renaud Van Ruymbeke et plusieurs représentants du procureur de la République se sont longuement entretenus avec Mark Mendelson, haut fonctionnaire du ministère de la Justice américain.

Responsable à Washington de la section sur les violations de la loi anticorruption, il dirige l’ensemble des investigations visant la société Halliburton, dont Dick Cheney, actuel vice-président des Etats-Unis fut PDG de 1995 à 2000.

Cette rencontre qui s’est prolongée sur plusieurs jours avait pour objet de mettre en œuvre la collaboration judiciaire entre la France et les Etats-Unis. En effet, le juge Van Ruymbeke et son homologue américain instruisent chacun de leur côté un même dossier de corruption impliquant Halliburton mais aussi la société française Technip, lors de la construction d’un complexe gazier à Bonny Island au Nigeria, entre 1995 et 2002. Un chantier évalué à environ six milliards de dollars.

Le magistrat français a déjà mis au jour un vaste système frauduleux impliquant ces deux sociétés, associées à l’italienne Snamprogetti et à la japonaise JGC dans un consortium baptisé TSKJ. Celui-ci aurait indûment versé 150 millions de dollars à Jeffrey Tesler, un avocat britannique mis en examen pour « corruption d’agent public étranger », soupçonné d’avoir ensuite redistribué tout ou partie de l’argent. Plusieurs centaines de milliers de dollars auraient ainsi été versés sur un compte suisse à Jack Stanley, PDG jusqu’en janvier 2004 de Kellog Brown and Root, principale filiale d’Halliburton.

C’est d’ailleurs à la suite de ces révélations que la SEC, le gendarme de la bourse américaine, puis le ministère américain de la Justice ont décidé de lancer à leur tour des investigations. A Washington, des notes internes figurant dans les archives d’Halliburton auraient ainsi été recueillies « attestant de tentatives, avérées ou non, de corruption », indique une source proche du dossier. L’enjeu des rendez-vous entre Van Ruymbeke et Mendelson, la semaine dernière, portaient donc sur la mise en commun officielle des éléments d’enquête rassemblés depuis des mois à Paris et à Washington.

Mais la coopération judiciaire internationale ne s’est pas cantonnée à ces deux parties. Jeudi, un troisième magistrat s’est joint à Van Ruymbeke et Mendelson : Daniel Dumarthreray qui enquête lui aussi depuis Genève sur l’affaire de corruption au Nigeria.

Ses investigations l’ont notamment conduit à perquisitionner aux sièges de deux grands groupes de BTP français, Eiffage et Dumez, sous-traitants dans la construction du complexe gazier. Des responsables de ces deux sociétés ont même été entendus comme témoins il y a quelques semaines.

Selon nos informations, le magistrat suisse aurait partiellement révélé un vaste système de racket des entreprises internationales travaillant à Bonny Island. L’argent détourné, via un intermédiaire clairement identifié, aurait transité par le Kenya mais aussi une grande banque internationale de New York.

A l’issue de ces discussions, on indiquait de source américaine « que le dossier nigérian est probablement le plus important dossier de corruption » connu à Washington. Dans ce contexte, des garanties auraient été données aux magistrats français et suisses afin que les commissions rogatoires envoyées aux Etats-Unis soient exécutées prioritairement afin d’identifier les véritables bénéficiaires des millions détournés.

© Le Figaro.

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

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