Suspecté d’avoir touché 150 millions de dollars Jeffrey Tesler s’explique

Vendredi 18 mai 2007

AFFAIRE Technip-Halliburton

Suspecté d’avoir touché 150 millions de dollars Jeffrey Tesler s’explique

E. D. [14 mai 2004]

Durant deux journées entières, mardi et mercredi, l’avocat anglais Jeffrey Tesler a été interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke dans le cadre de l’affaire dite Technip-Halliburton, du nom de la société d’ingénierie française et du groupe américain qui fut présidé par Dick Cheney, le vice-président des Etats-Unis, jusqu’en 2000. Mis en examen deux semaines plus tôt pour « corruption d’agent public étranger », Jeffrey Tesler s’est expliqué pour la première fois sur le fond du dossier. Il est suspecté d’avoir touché frauduleusement 150 millions de dollars entre 1995 et 2002 lors de la construction du complexe de Bonny-Island au Nigeria (voir Le Figaro du 20 décembre 2003 et du 2 mars 2004).

Agé de 54 ans, s’exprimant exclusivement en anglais - l’interrogatoire s’est déroulé en présence d’un traducteur -, Jeffrey Tesler a longuement raconté au juge Van Ruymbeke comment il avait tissé des liens au Nigeria.

Avocat très discret et d’envergure modeste, il aurait commencé par prodiguer des conseils immobiliers à des dignitaires nigérians à la recherche d’un pied-à-terre à Londres. Toujours d’après lui, ces relations l’auraient conduit à s’occuper pour le compte de la société Kellog (qui n’avait pas encore été racheté par Halliburton) de la construction d’une usine d’engrais au Nigeria au milieu des années 80. Quelques années plus tard, lors des négociations du projet gazier de Bonny Island, Kellog-Brown and Root (KBR), filiale de Halliburton, l’aurait imposé comme « intermédiaire commercial ». Tesler a d’ailleurs indiqué au juge ne pas avoir eu de contact avec les autres entreprises associées, et notamment Technip.

Homme de confiance du groupe américain, l’avocat anglais a justifié sa rémunération, initialement évaluée à 180 millions de dollars mais qui serait en réalité de 150 millions, par sa connaissance du pays et du contexte local. Mais il a en même temps reconnu devant le juge d’instruction être allé en tout et pour tout une seule fois au Nigeria… Malgré cet aveu paradoxal, il a affirmé avoir été justement rémunéré pour ses conseils « sur la faisabilité du projet et sur les appels d’offres » liés à sa réalisation. Rien ne dit toutefois que cette version aura convaincu le juge d’instruction.

De façon plus concrète, Jeffrey Tesler a aussi été interrogé sur ses comptes en Suisse et à Monaco par où auraient transité les 150 millions de dollars. Sur ce point, l’avocat anglais s’est engagé à fournir tous les éléments bancaires au magistrat, l’assurant de n’engager aucun recours susceptibles de bloquer les investigations actuellement en cours en Suisse. Une attitude qui, selon son défenseur parisien, Me Thierry Marembert, attesterait de sa bonne foi. Devant Renaud Van Ruymbeke, Jeffrey Tesler a encore affirmé que l’essentiel de l’argent touché à l’occasion de l’opération nigériane se trouverait toujours sur ses comptes, preuve, selon lui, qu’il n’y aurait pas eu redistribution…

L’enquête devra confirmer ou infirmer ces éléments, étant déjà acquis que cette somme a circulé en Suisse et à Monaco, passant par divers comptes aux noms de Tesler et de membres de sa famille.

Le premier dossier de corruption internationale instruit en France devrait maintenant s’accélérer. Une nouvelle audition de Jeffrey Tesler est d’ailleurs déjà programmée pour le mois de juin. Mais le juge Renaud Van Ruymbeke a également lancé de multiples commissions rogatoires internationales, en Angleterre mais également au Japon et en Italie.

Dans ces deux derniers pays, le magistrat souhaite recueillir les explications des dirigeants des sociétés JGC et Snamprogetti, associés de Technip et de Halliburton dans la construction du complexe gazier.

© Le Figaro

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

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