Suite aux investigations financières menées en Suisse : un haut responsable américain dans le collimateur

Vendredi 18 mai 2007

AFFAIRE

Suite aux investigations financières menées en Suisse Technip-Halliburton : un haut responsable américain dans le collimateur

Éric Decouty [01 juin 2004]

L’affaire Technip-Halliburton instruite par le juge Renaud Van Ruymbeke prospère discrètement et menace aujourd’hui clairement des personnalités américaines.

Dans ce dossier de corruption internationale susceptible de mettre en cause Richard Cheney, l’actuel vice-président des États-Unis en sa qualité d’ex-PDG d’Halliburton (voir nos éditions du 20 décembre 2003), le magistrat a entendu une nouvelle fois, en début de semaine dernière, l’avocat britannique Jeffrey Tesler. Déjà mis en examen pour « corruption d’agent public étranger » et entendu une première fois sur le fond de l’affaire deux journées entières les 10 et 11 mai, Jeffrey Tesler s’est une fois de plus expliqué sur les mouvements bancaires liés à ses comptes suisses.

Il est suspecté d’avoir touché frauduleusement 150 millions de dollars entre 1995 et 2002 lors de la construction du complexe gazier de Bonny-Island au Nigeria. L’argent lui aurait été versé par les quatre sociétés réalisatrices du projet rassemblées dans le consortium TSKJ, du nom de leurs initiales : le français Technip, l’italien Snamprogetti, l’américain Kellog Brown and Root (filiale à 100% d’Halliburton) et le japonais JGC. Jeffrey Tesler aurait été imposé par Kellog, avec qui il entretenait des liens de longue date.

Le juge Van Ruymbeke, qui s’interroge sur la réalité du travail de l’avocat anglais mais surtout sur la destination réelle des fonds versés, le soupçonne d’avoir effectué une redistribution en dessous de tables à des dignitaires nigérians ou des personnalités américaines.

Dans cette perspective, les investigations lancées en Suisse sur ses comptes ont donné leurs premiers résultats. Il est ainsi établi que Jeffrey Tesler aurait reversé une part des 150 millions de dollars sur d’autres comptes helvétiques détenus par Dan Etete, un ancien ministre du pétrole de l’ex-dictateur nigérian Sani Abacha. Mais l’enquête a aussi montré que Jeffrey Tesler aurait versé d’importantes sommes sur d’autres comptes suisses dont les ayants droit seraient William Chaudan, représentant de KBR au sein du consortium, mais surtout Jack Stanley, le président de KBR. L’expertise des mouvements bancaires est actuellement en cours mais, de source judiciaire, on évalue que les versements effectués sur le compte attribué à Jack Stanley représentent de 3 et 5% des sommes reçues par Jeffrey Tesler.

Interrogé sur ces faits par le juge Van Ruymbeke, l’avocat anglais a expliqué ignorer que le compte appartenait à Jack Stanley. D’après lui, il s’agissait d’un compte appartenant à Kellog. Quant aux mouvements de fonds, il les a justifiés par un besoin de liquidité en monnaie nigériane nécessaire à son travail au Nigeria. Un pays où il a pourtant confessé au juge ne s’être rendu en tout et pour tout qu’une seule fois. Toujours selon lui, il aurait donc versé des dollars sur un compte suisse de Kellog en échange de naira (la monnaie locale)…

Quant à l’argent versé à William Chaudan, il l’a justifié par le travail de consultant effectué par celui-ci. Or cette version apparaît contradictoire avec les documents fournis au début de l’enquête par les avocats de Technip. Ceux-ci présentaient Chaudan non pas comme consultant mais comme un des dirigeants d’une des sociétés émanant du consortium.

L’audition de William Chaudan semble dès lors inéluctable. Quant à celle de Jack Stanley, président de Kellog Brown and Root et haute personnalité au sein du groupe Halliburton, elle semble à ce jour incontournable, même si elle ne sera sans doute pas envisagée avant la fin des investigations bancaires qui se poursuivent actuellement en Suisse.

De son côté, la justice américaine - elle aussi est saisie de faits de corruption présumée du groupe Halliburton au Nigeria - pourrait rapidement demander communication des résultats de l’enquête du juge Renaud Van Ruymbeke. Car même si celle-ci n’en est qu’à son début, les « résultats sont déjà assez significatifs », souligne-t-on de source judiciaire.

En attendant, l’État nigérian qui a également lancé des investigations sur son territoire, s’est constitué, il y a quelques jours, partie civile dans la procédure instruite à Paris.

© lefigaro.fr 2003.

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

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