Les astuces de Londres pour défier la Suisse

Mercredi 5 septembre 2012

Les astuces de Londres pour défier la Suisse

reportage mercredi 5 septembre 2012

La City apparaît comme une place propre en termes d’argent déclaré. Elle bénéficie pourtant de certains avantages, comme les trusts et les résidents non domiciliés. Elle profite également de ses liens spéciaux avec des places où les règles sont moins strictes.

Extraits de l’article mis en ligne sur le site du journal Le Temps :

[…] On ne peut pas s’empêcher de rester dubitatif au vu de l’ampleur de la gestion de fortune transfrontalière ou offshore dans la région. Fin 2011, le Royaume-Uni gérait 900 milliards de dollars de fonds provenant de clients non résidents, selon le Boston Consulting Group. Soit une légère hausse par rapport à l’année précédente. La Suisse, elle, a vu sa part rester stable, 2100 milliards, soit 27% de part de marchés. Les îles Anglo-Normandes, recensées avec Dublin, représentent 1000 milliards, en baisse par rapport à l’année précédente.

Londres, une capitale nettoyée des fraudeurs du fisc ? Selon Tax Justice Network, qui classe les places financières en fonction de la solidité de leur secret financier, la Suisse a largement distancé le centre de Londres en termes d’opacité. Elle domine le classement, alors que le Royaume-Uni est 13e.

[…] Du côté de Londres, on estime inutile d’appliquer à soi-même une stratégie de l’argent propre. « Nous n’avons pas de secret bancaire, comme la Suisse, et le gouvernement n’en a pas ressenti le besoin », explique Irving Henry. Qui souligne un point essentiel : Londres n’est pas aussi dépendante de la gestion de fortune que la Suisse. C’est une activité dans une place très diversifiée. Il se dit toutefois proche de la détresse de certains banquiers suisses. « Il n’y a aucun risque que les pressions qui pèsent sur la Suisse ne se déplacent pas vers les autres places offshore », juge-t-il. Comme les îles avec lesquelles la Grande-Bretagne a un lien spécial ? « Des pays suggèrent régulièrement à Londres de faire pression sur les juridictions qui ont une relation spéciale avec elle. Mais ce n’est pas possible. Leur dire ce qu’ils doivent faire reviendrait justement à remodeler cette relation. »

[…] En 2004, Pierre Mirabaud, alors président de l’Association suisse des banquiers, avait irrité ses homologues anglais en dénonçant Londres comme « un paradis pour les blanchisseurs d’argent ». La Suisse, elle, est plus rigoureuse, affirmait encore l’ex-lobbyiste au style non conventionnel, notamment dans les trusts où « elle applique les critères de « know your customer » dans l’identification de l’ayant droit économique ». Pierre Mirabaud a cédé sa place mais son discours a été repris par d’autres banquiers suisses.

L’analyse de Tax Justice Network noircit également le tableau immaculé des activités de private banking à Londres. L’un de ses membres, Nick Shaxson, auteur d’un livre sur l’évasion fiscale, décrit un système de toile d’araignée, dont le centre – Londres – gère sans se salir les mains des fonds récoltés dans les îles ayant un lien avec la Grande-Bretagne. « On n’a jamais vu de clients étrangers apporter discrètement des valises de cash, comme on le raconte dans d’autres pays. Londres profite plutôt de son réseau de places financières/paradis fiscaux pour récolter l’argent », ajoute John Christensen, l’un des fondateurs de Tax Justice Network. Cet économiste de Jersey collabore avec Nick Shaxson et est cité dans son ouvrage.

Dans son rapport sur la Grande-Bretagne, Tax Justice Network souligne que, même si Londres est classée 13e et bien après la Suisse, la City pourrait être considérée comme la plus importante des juridictions opaques en raison du réseau de places avec lesquelles elle opère. Des 73 juridictions scrutées par l’organisation, près de la moitié ont un lien avec la Grande-Bretagne, dont les trois Dépendances de la Couronne (île de Man et les îles Anglo-Normandes), sept des 14 territoires d’outre-mer et 25 pays inclus dans le Commonwealth.

John Christensen rappelle que les Britanniques utilisent très largement un outil encore peu répandu en Suisse, mais qui est parfois décrit comme l’« arme ultime du secret », le trust. Ces structures particulières découlant du droit anglais permettent de confier la propriété d’un bien à un détenteur (trustee), qui l’administre pour le compte d’un bénéficiaire (beneficiary). L’expert rappelle que ces outils ne sont pas enregistrés, via un registre des trusts par exemple. Impossible donc d’avoir une idée précise des sommes engagées. En outre, « il n’est possible d’obtenir aucune information financière. Le seul moyen de le faire serait d’entrer par effraction dans le bureau de l’avocat qui l’a mis en place. » Ainsi, « Londres n’a jamais eu besoin du secret bancaire ». Lire la suite.

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