A Paris, des associations poursuivent des présidents africains pour corruption

Dimanche 20 mai 2007

A Paris, des associations poursuivent des présidents africains pour corruption.

Compte rendu

LE MONDE | 28.03.07 | 14h50 • Mis à jour le 28.03.07 | 14h50

Ce sont de prestigieux hôtels particuliers ou de superbes appartements situés dans les beaux quartiers parisiens. Ces riches demeures ont la particularité d’être la propriété de chefs d’Etats parmi les plus pauvres de la planète.

Parce qu’elles considèrent que ces biens ont été acquis avec des fortunes détournées des budgets publics africains, des associations françaises ont déposé, mardi 27 mars, une plainte pour « recel de détournement de biens publics » auprès du parquet du tribunal de grande instance de Paris. Tout en dénonçant les turpitudes des présidents africains, les plaignants entendent amener les candidats à l’élection présidentielle française à s’engager à rompre avec la « complicité » de Paris.

« La France peut-elle rester une terre d’asile pour l’argent volé aux Africains ? Cette immunité garantie depuis quarante ans ne peut plus durer », estiment les initiateurs de la plainte, l’avocat William Bourdon, président de l’association Sherpa, groupement de juristes spécialisé dans les affaires économico-financières, et Odile Tobner, présidente de Survie, contemptrice des réseaux de la « Françafrique ».

Le document vise en particulier les présidents gabonais Omar Bongo et congolais Denis Sassou Nguesso, ainsi que leurs familles, propriétaires, selon la plainte, de nombreux biens immobiliers de luxe.

S’appuyant sur des travaux d’organisations internationales et sur des enquêtes journalistiques, Survie et Sherpa entendent établir les « très sérieuses présomptions de détournements de biens publics pour des montants absolument considérables ». Ils mettent en avant une jurisprudence de la Cour de cassation qui présume l’existence d’une infraction « lorsqu’une personne ne peut pas justifier des ressources correspondant à son train de vie ». Or, affirment les plaignants, les chefs d’Etat africains en cause « possèdent un patrimoine considérable qu’aucun de leurs revenus connus n’est susceptible de justifier ».

Juridiquement, l’affaire est loin d’être gagnée. Le dépôt d’une plainte simple n’oblige nullement le parquet à ouvrir une information. Des obstacles tenant à l’immunité des chefs d’Etat et à la prescription risquent de se dresser. Mais les associations veulent s’inscrire dans un « mouvement du droit international » marqué par l’adoption de la Convention de l’ONU contre la corruption, qui inclut le principe de la restitution des avoirs détournés.

La démarche de ces associations visant des chefs d’Etat en exercice est une première. Jusqu’à présent, les seules procédures couronnées de succès (en Suisse) ont été introduites par des régimes (aux Philippines et au Nigeria) ayant succédé à des chefs d’Etat évincés et mettant en cause ces derniers. « Pourquoi faudrait-il attendre qu’ils soient déchus ? C’est précisément pour garantir leur impunité qu’ils se cramponnent au pouvoir », soulignent les plaignants.

Le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) appuie ces arguments en publiant une étude sur les « biens mal acquis » qui chiffre en milliards de dollars les sommes détournées par des dirigeants africains.

Philippe Bernard

Article paru dans l’édition du 29.03.07

© Le Monde.fr

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