le scandale de la rente pétrolière : « Un système qui privilégie le clientélisme »

Dimanche 20 mai 2007

le scandale de la rente pétrolière : « Un système qui privilégie le clientélisme »

Sidiki Kaba, président de la FIDH et avocat, dénonce le scandale de la rente pétrolière : « Un système qui privilégie le clientélisme » (Liberation 18/05/2004)

L’avocat sénégalais Sidiki Kaba est président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et ses 120 ligues nationales associées. Il dénonce le scandale de la rente pétrolière au Congo-Brazzaville.

Quelle est la raison de cette « mal-gouvernance » du pétrole au Congo-Brazzaville ?

La corruption, la non-transparence et les choix politiques de la principale ressource du pays (80 % du budget 2002) sont pour beaucoup dans les guerres civiles et les crises qui secouent le pays depuis dix ans. Les autorités n’ont pas mis en place de politique pour diversifier leur économie et se sont placées dans un système de rente. Un système qui privilégie le clientélisme à l’intérêt général. Qui augmente l’aide aux forces spéciales mais baisse les budgets de la santé, de l’éducation, alors que l’espérance de vie est de 48 ans et que moins d’un tiers de la population a accès aux soins. Qui s’illustre par le blanchiment de capitaux et d’abus de biens sociaux, alors que 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Zéro audit des compagnies privées, zéro amende pour pollution, bref, vous pointez le zéro transparence…

C’est accablant. On a pourtant consulté partis politiques, membres du gouvernement, société civile, entreprises. Beaucoup reconnaissent que les ressources ont non seulement été pillées mais aussi utilisées de façon scandaleuse. Le pays est-il l’un des plus endettés au monde (4 326 milliards de francs CFA en 2003 soit 6 603 milliards d’euros) ? Les bailleurs de fonds hésitent à alléger le fardeau : moins de 10 % des crédits promis en 2003 ont été débloqués. Le Congo-Brazzaville est un concentré de mal-développement et d’impunité.

Le pétrole est-il une malédiction pour les pays du Sud ?

Oui, nos rapports sur le Tchad ou le Cameroun le montrent aussi. La richesse de l’Afrique fait le bonheur d’une élite, mais le malheur de sa population. La plupart des conflits sont liés à ses ressources. Le pétrole est lié aux vingt-huit années de guerre en Angola, aux déchirures qui désarticulent le Soudan, aux secousses qui existent en Mauritanie. Et que dire des diamants et d’autres ressources, cause principale de la désarticulation de pays comme le Liberia, la Sierra Leone ou la république démocratique du Congo…

Toutes ces richesses servent encore à grossir des comptes en banques à l’étranger.

A l’arrivée, il est impossible de prétendre atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté de 50 % d’ici à 2015, comme le souhaitent les Nations unies, sans que la justice s’attaque enfin, et aussi, aux droits économiques et sociaux.

Par Christian LOSSON

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