Les banquiers suisses contraints de se réinventer

Mardi 16 avril 2013

Les banquiers suisses contraints de se réinventer

LE MONDE | 16.04.2013 à 12h02 • Mis à jour le 16.04.2013 à 15h36

Par Adrien de Tricornot

Envoyé spécial. Sur les bords calmes et luxueux du lac Léman, on entend seulement clapoter les gouttelettes d’eau, qui retombent du grand jet d’eau, symbole de Genève. L’affaire Cahuzac ? Les révélations de l’« OffshoreLeaks » ? L’échange automatique d’informations fiscales consenti par le Luxembourg ? Ailleurs, ces nouvelles alimentent les débats. Ici, les banquiers répugnent à s’exprimer, renvoyant le plus souvent sur les porte-parole de leurs professions.

La discrétion des financiers genevois, leur caractère réservé, leurs manières feutrées sont connus comme leur atout maître. Mais, ces jours-ci, cette prudence extrême traduit aussi l’inquiétude d’une partie d’entre eux. Car la pression mise par le G20 au début de la crise financière, en avril 2009 à Londres, revient aujourd’hui plus forte.

« Depuis 2009, la place genevoise est en transition. Les événements européens récents vont l’accélérer », atteste Sylvain Besson, journaliste au Temps, auteur, en 2002, de L’Argent secret des paradis fiscaux (Le Seuil, 2002). "Certaines banques, qui ont fondé leur modèle d’affaires sur les comptes non déclarés, sont en danger. La France, de plus, durcit le ton. Mais elle a été jusqu’ici beaucoup moins dure avec la Suisse que l’Allemagne, notamment en matière de vol de données", poursuit-il.

Les Allemands détiendraient environ deux fois plus d’argent que les Français en Suisse. Plusieurs dizaines de milliards d’euros d’avoirs non déclarés dans l’Hexagone dorment cependant en Suisse – 91,7 milliards en 2007 selon des données officieuses –, et Genève est leur porte d’entrée.

« UN CLIENT NON DÉCLARÉ NE COÛTE PAS CHER »

Or ce sont ces activités cachées qui sont les plus lucratives. « Il est établi que les marges sont bien supérieures sur les comptes non déclarés. Les banques ont ici une rentabilité de 1 % des capitaux gérés. Un client non déclaré ne se manifeste pas beaucoup, ne discute pas les tarifs, ne coûte pas cher », explique Me Carlo Lombardini, avocat au barreau de Genève et membre du conseil d’administration d’une grande banque internationale en Suisse.

[…] « MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN »

Il est devenu difficile de masquer les bénéficiaires : après les révélations d’« OffshoreLeaks », le bâtonnier genevois Me François Canonica, dans un entretien à la Tribune de Genève du 10 avril, a dû rassurer ses troupes en rappelant que monter des sociétés offshore est « parfaitement légal » en droit suisse, mais en le déconseillant fermement en ce qui concerne l’argent issu de l’évasion fiscale étrangère.

« Accepter de l’argent non déclaré pour une banque ou monter une société offshore masquant un client non déclaré pour un avocat, c’est devenu très dangereux : il y a un mandat d’arrêt européen, cela veut dire qu’on ne peut plus se rendre dans aucun pays européen sans risquer la prison », résume Me Lombardini. Lire la suite sur le site du journal Le Monde.

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