Contre l’argent illicite, non aux lois de panique

Jeudi 18 avril 2013

Contre l’argent illicite, non aux lois de panique

« Les réglementations adoptées depuis vingt ans » pour lutter contre la fraude fiscale ou contrôler le financement politique « ont connu le sort banal de l’action publique à la française : des principes forts et des applications aléatoires  », constate Pierre Lascoumes, sociologue (CNRS - Sciences-Po). Avant d’opter pour de nouvelles mesures, il faut, selon lui, étudier « les failles des dispositifs en place ».

La panique est toujours mauvaise conseillère. L’effet explosif de la combinaison de l’affaire Cahuzac avec l’Offshore Leaks met au grand jour les dénis accumulés sur les pratiques obscures (parfois délictueuses) de financement politique et sur l’incivisme fiscal chronique des élites. Avant de décider, il faut comprendre ce qui a rendu possible la situation présente et expliquer les échecs constatés. En effet, la France ne manque pas de règles en ces domaines, mais elles sont molles, souvent dépourvues de sanction, et surtout peu appliquées.

Quant au contrôle des “ paradis fiscaux ”, la mémoire collective débute avec les déclarations du G20 de Londres en 2009. C’est pourtant dès le G7 de Paris, en 1989, qu’a été amorcée la lutte contre le blanchiment de l’argent d’origine délictueuse opéré grâce aux banques et aux territoires sous-régulés.

Dans les deux cas, financement politique et circulation de l’argent illicite, la fin des années quatre-vingt marque un changement de mentalité, avec l’émergence d’une exigence de responsabilité dans l’exercice des pouvoirs politique et économique. On peut l’interpréter comme un garde-fou contre les effets de la mondialisation abolissant les frontières et relativisant les normes et les valeurs. Mais ce sursaut révèle aujourd’hui ses limites. Relevons que ni la fraude fiscale de Jérôme Cahuzac, ni l’enchevêtrement des réseaux offshore, n’ont été révélés par les organismes de surveillance existant. Ce sont, une fois encore, des révélations privées relayées par les médias qui ont fait office de gendarme. La précipitation sur des annonces sans une réflexion sur les multiples problèmes à traiter et sur les failles des dispositifs en place est un comportement irrationnel. Il risque d’ajouter des radars myopes à des sentinelles aveugles

[…] De même, quel serait l’apport d’un « Parquet financier national », alors qu’il en existe déjà régionalement et que leur problème principal est la réduction continue de leurs moyens et de ceux de la police financière sans laquelle ils sont paralysés ? Le parquet financier de Paris a perdu ces dernières années la moitié de ses procureurs et le tiers de ses juges d’instruction. Lire la suite sur le site de Médiapart.

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