Guinée, le coup de trop du groupe Steinmetz

Samedi 11 mai 2013 — Dernier ajout vendredi 13 septembre 2013

Afrique

Guinée, le coup de trop du groupe Steinmetz

Par Boris Mabillard, Pierre-Alexandre Sallier

La justice américaine enquête sur les conditions d’obtention d’un immense gisement de fer aux confins de la forêt guinéenne. Un homme est en prison en Floride. BSGR dément tout lien avec ses activités en Guinée. Ce groupe minier dépend d’une fondation dont le bénéficiaire est le milliardaire israélien vivant à Genève Beny Steinmetz

Incarcéré en Floride depuis un mois, Frédéric C. a tout loisir de penser à son rendez-vous du 11 avril à Jacksonville. « Il faut détruire les documents de toute urgence », répète-t-il alors, sans se douter qu’il est sur écoute. La jeune femme en face de lui vient de lui avouer que la police est sur leur piste. On l’a interrogée sur des « pots-de-vin et des contrats miniers en Guinée ». Mamadie T. était la quatrième épouse du défunt dictateur guinéen Lansana Conté. Pour qu’elle se taise, Frédéric C. lui promet un million de dollars. Et éventuellement « cinq ». Prudente, elle demande si un responsable a donné son feu vert. « Bien sûr », répond le Français, qui revient le week-end suivant pour tout brûler. C’est là qu’il se fait cueillir par les agents du FBI. Il n’a pas eu le temps de faire disparaître une série de documents « relatifs à l’attribution des concessions de Simandou », selon leur déposition, le plus grand gisement de fer encore non exploité au monde, dans le sud-est de la Guinée-Conakry.

Derrière Frédéric C., un personnage mystérieux qui avait ses entrées à Conakry, la justice américaine pourrait viser la société BSGR, conglomérat minier propriété d’une fondation dont Beny Steinmetz et sa famille proche sont les uniques bénéficiaires. Le milliardaire israélien, 57 ans, réside à Genève avec sa famille, dans un immeuble grand siècle sur les quais. Son entourage indique qu’il passe près d’un tiers de son temps en Israël. Présenté par l’agence Bloomberg comme la « plus grande fortune israélienne », il a pris la succession de la société diamantaire Steinmetz Diamonds Group, fondée par son père et chapeautée par une société basée à Genève. Ses activités lui ont parfois valu d’être décrit comme un flibustier écumant le continent africain pour piller ses trésors. « L’Afrique n’est qu’un chapitre de l’histoire du groupe, qui dispose aussi d’un important bras immobilier, d’un hedge fund maison, d’une marque de diamants », rétorque un proche du milliardaire. Reste que le groupe minier BSGR – dans lequel on réduit le rôle de Beny Steinmetz à celui « d’ambassadeur et de conseiller » – risque gros.

L’opération Simandou devait être l’investissement le plus éclatant d’un homme qui, il y a un an encore, caressait le projet de placer certaines de ses activités en bourse. Aujourd’hui il pourrait le perdre. Et voir ses opérations guinéennes projetées devant les tribunaux américains. Le Français arrêté en Floride est accusé d’avoir fait « obstruction à une enquête » en relation avec « des commissions versées à des membres de l’ancien gouvernement guinéen ». Selon les termes de la plainte enregistrée au Tribunal de Jacksonville, la justice s’intéresse à des « transferts vers les Etats-Unis, liés à un montage visant à obtenir, par corruption, une concession minière de valeur située dans la région de Simandou ». L’affaire est désormais instruite par le bureau de Preet Bharara, le redouté procureur new-yorkais qui a fait tomber la banque suisse Wegelin. Des proches de l’enquête américaine suggèrent que l’affaire pourrait avoir des prolongements au Royaume-Uni et n’excluent pas qu’une demande d’entraide judiciaire à la Suisse soit déposée cet été. Lire la suite sur le site du journal Le Temps.

Revenir en haut