De l’argent sale russe et chinois dans le vignoble français ?

Vendredi 2 août 2013

Publié le 02/08/2013 à 14h31

Par Mathieu Hervé, SudOuest.fr

De l’argent sale russe et chinois dans le vignoble français ?

La cellule de renseignement chargée de la lutte contre le blanchiment de capitaux Tracfin met en garde contre « la montée des risques dans le secteur vitivinicole »

Des achats de propriétés viticoles en France servent-ils à blanchir de l’argent sale via des montages financiers complexes ? C’est une hypothèse très sérieusement évoquée par Tracfin, le service de renseignement financier du ministère de l’Economie chargé de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme ou la fraude fiscale. La cellule de Bercy met en garde contre certains investissements russes et chinois dans le vignoble français.

Comme chaque année, Tracfin publie son rapport annuel, un épais dossier de 130 pages (il est disponible ici dans son intégralité). Mais l’une des spécificités de ce rapport 2012, duquel ressort « une vulnérabilité accrue des entreprises en difficulté aux pratiques frauduleuses et au risque d’ingérence de capitaux criminels », est le focus effectué sur les risques concernant le secteur vitivinicole. Même si le secteur des spiritueux est depuis longtemps très surveillé, il fait l’objet cette fois de ce qui est appelé dans le jargon une « typologie ».

Une « typologie » est une mise en garde : Tracfin a relevé un ensemble de pratiques de plus en plus systématiques qui éveillent des soupçons de blanchiment d’argent sale. « Les signalements réceptionnés par le Service mentionnent notamment des investisseurs russes, chinois et ukrainiens dans ce secteur jusqu’à présent majoritairement dominé par des groupes familiaux français. » Les mouvements de capitaux russes et ukrainiens sont scrupuleusement examinés depuis des années. Mais concernant la Chine, c’est beaucoup plus nouveau.

[…] On en revient donc au rapport annuel 2012 de Tracfin qui appelle à « une vigilance croissante » : « Les investigations menées par Tracfin ont fait apparaître l’utilisation de montages juridiques complexes de sociétés en cascades installées dans des pays à fiscalité privilégiée. Des sociétés de droits français, dont l’objet social est la »prise de participation dans toutes entreprises existantes ou à créer" et qui se portent acquéreuses des domaines vitivinicoles en déficit d’exploitation, peuvent être créées avec un actionnariat composé de sociétés étrangères dont le siège est situé dans des pays à fiscalité privilégiée. Le Service a ainsi noté la recrudescence de cas de montages juridiques. Au cas présent : une holding chypriote détenue par une société écran basée dans un pays à fiscalité privilégiée, appartenant à une personne physique de nationalité russe qui apparaît comme étant, in fine, le bénéficiaire effectif de cet investissement. Néanmoins, si la Russie est un investisseur de premier plan dans le secteur vitivinicole, les investigations effectuées par le Service ont fait apparaître l’émergence croissante des investisseurs en lien avec la Chine.« Jean-Marc Figuet, professeur d’économie à l’Université Bordeaux IV n’est pas étonné par la mise en garde de Tracfin. »Le secteur viticole bordelais est en pleine mutation depuis une dizaine d’années. L’explosion des exportations vers la Chine a suscité l’engouement des investisseurs en tous genres". Rappelons que le montant annuel des exportations française de vins et spiritueux européens vers la Chine dépasse le milliard d’euros et que la France est le premier exportateur européen vers la Chine, avec 140 millions de litres de vin vendus en 2012. Lire la suite.

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