Géopolitique des paradis fiscaux

Mercredi 9 octobre 2013 — Dernier ajout samedi 19 avril 2014

Géopolitique des paradis fiscaux

Vincent Piolet

« Quand l’argent précède, toutes les portes s’ouvrent » (William Shakespeare, Les Joyeuses Commères de Windsor, 1602)

L’impôt, cette contribution aux dépenses de l’État, a été et est toujours un sujet de discorde.Ce truisme, évident dans les économies modernes, trouve son origine dès l’Antiquité. Déjà, dans la Grèce ancienne, les commerçants trouvaient refuge sur les îles proches d’Athènes afin d’éviter les taxes sur les importations et les exportations que touchait la Cité. De même, les négociants s’installaient dans la Cité de Londres, au Moyen Âge, afin d’être exonérés de tout impôt. Très tôt, dès le XVIe siècle, la Hollande a constitué une terre de commerce favorable en prélevant peu d’impôts.

Les Américains, également, se sont très tôt rompus aux techniques d’évasion fiscale. Face aux contraintes imposées par la Couronne au XVIIIe siècle, les colonies américaines faisaient transiter leurs marchandises par l’Amérique Latine et les Caraïbes pour éviter de reverser des droits à la métropole. L’émergence de l’actuelle première puissance mondiale s’est appuyée dans la deuxième partie du XVIIIe sur un sentiment national commun né du refus du joug britannique. Maisderrière ce refus, on pouvait voir une opposition aux taxes de la Couronne : la Boston Tea Party en 1773 cristallise cette exaspération dont on connaît les conséquences .

La notion de paradis fiscal

L’impôt est bien au centre de nombreux enjeux de pouvoirs et de rivalité .C’est une marque du territoire, son application spatiale est limitée. Les responsables politiques des paradis fiscaux l’ont compris : dans un monde où le véhicule de l’impôt - l’argent dématérialisé - voyage sans frontière, sans limite, empruntant câbles et satellites, transitant d’un ordinateur à un autre, ils rappellent leurs souverainetés et établissent des frontières juridictionnelles où l’argent est à l’abri de tout prélèvement. Aujourd’hui, les paradis fiscaux se développent en grande partie grâce à la présence de banques étrangères, sous la protection des gouvernements locaux. Leur expansion s’inscrit dans la logique de l’internationalisation de l’économie.

Extrait de la revue Politique Etrangère.

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