Khodorkovski et Abramovitch, des destins contraires

Jeudi 26 octobre 2006 — Dernier ajout dimanche 6 mai 2007

Khodorkovski et Abramovitch, des destins contraires

Challenges.fr | 26.10.2006

Le dimanche après-midi, Roman Abramovitch est au stade de Stamford Bridge, à Londres. Il trône dans la loge présidentielle du Chelsea Football Club dont il est propriétaire. Champagne, caviar, vodka entre amis russes, souvent venus de Moscou spécialement pour voir marquer Didier Drogba, le joueur vedette acheté à l’Olympique de Marseille en 2004 pour 36 millions d’euros… Ou encore le ballon d’or ukrainien Andreï Chevtchenko, raflé cet été au Milan AC de Silvio Berlusconi pour plus de 40 millions.

A quelques milliers de kilomètres plus à l’est, la nuit est tombée depuis longtemps sur le centre pénitentiaire de Krasnokamensk, dans la région de Chita, en Sibérie orientale. Mikhaïl Khodorkovski termine sa journée de travail à l’atelier de couture. Peut-être songe-t-il à ces jours glorieux du printemps 2003 où il présentait à la presse internationale la fusion entre Ioukos, sa compagnie pétrolière, numéro un russe à l’époque, et Sibneft, celle de Roman Abramovitch. Et peut-être médite-t-il sur les raisons du sort si contraire qui les ont frappés. Les deux bébés adulés de l’oligarchie eltsinienne ne se sont jamais vraiment appréciés. L’un savoure aujourd’hui sa position d’homme le plus riche de Russie - onzième fortune mondiale avec 18,2 milliards de dollars selon le magazine américain Forbes -, l’autre coud des pantoufles dans la nuit sibérienne.

Un destin croisé qui ne doit rien au hasard. L’un a toujours habilement manœuvré pour être bien en cour, quitte à sacrifier ses anciens amis (sur les deux plus proches associés d’Abramovitch, l’un est en exil, l’autre, en prison). Le second a commis l’imprudence de croire que ses succès prodigieux dans les affaires, son immense fortune et ses relations dans le gotha mondial l’autorisaient à contester ouvertement la façon dont Vladimir Poutine commençait alors à mettre la main sur le secteur énergétique.

L’un a endossé le costume du « bon élève » en allant jusqu’à accepter de vendre sa compagnie pétrolière à Gazprom pour en faire la clé de voûte du système Poutine.

L’autre n’a cessé de défier le Kremlin tout au long de son procès, et ses avocats continuent de parcourir le monde pour tenter de contrer le démantèlement de Ioukos. L’un a plié de bonne grâce, l’autre a rompu en toute connaissance de cause.

Personne ne peut dire aujourd’hui combien de temps Mikhaïl Khodorkovski restera en Sibérie. Ni s’il en sortira vivant. Mais tout le monde a repéré l’intérêt de Roman Abramovitch pour le géant de l’acier russe Evraz.

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