Ioukos, l’empire toujours très disputé de Khodorkovski

Mercredi 15 janvier 2014 — Dernier ajout mardi 10 octobre 2017

Ioukos, l’empire toujours très disputé de Khodorkovski

AFP Publié le 15/01/2014 à 11:18

Si la Russie a libéré Mikhaïl Khodorkovski, Ioukos, l’ex-empire pétrolier de l’oligarque déchu, reste au centre de multiples procédures pouvant coûter à Moscou des sommes sans précédent en droit des affaires.

Près de dix ans après la chute de ce qui était alors le numéro un du pétrole en Russie, valant plus de 40 milliards de dollars en Bourse, ses dirigeants et actionnaires continuent de contester devant les tribunaux les accusations de fraude fiscale qui ont permis de le dépecer au profit de l’opérateur public Rosneft, et qu’ils dénoncent comme une manœuvre politique.

Gracié le 19 décembre, l’ex-oligarque critique du Kremlin, a rapidement fait savoir qu’il s’était engagé à ne pas se lancer en politique, ni demander réparation.

Mais les spéculations ont été relancées la semaine dernière par une visite éclair en Israël, où Mikhaïl Khodorkovski a rencontré Leonid Nevzline, son ex-partenaire d’affaires mais surtout l’homme de confiance à qui il avait transféré ses actifs en 2005.

A ce titre, ce dernier contrôle GML, la holding de M. Khodorkovski basée à Gibraltar, qui détenait Ioukos et serait donc le principal bénéficiaire de toute compensation.

Interrogé par les médias, M. Nevzline a affirmé avoir parlé des enfants et échangé des souvenirs avec son ami, plutôt que finances.

« Après dix ans en prison, il ne montre aucun intérêt à s’impliquer dans toutes ces histoires », confie à l’AFP un autre ancien partenaire.

Les sommes en jeu sont pourtant gigantesques et ont de quoi faire réfléchir Mikhaïl Khodorkovski, dont la fortune serait passée selon les estimations du magazine Forbes de 15 milliards de dollars avant son arrestation à 250 millions aujourd’hui.

La principale procédure en cours porte à elle seule sur 113 milliards de dollars réclamés par GML à la Russie devant la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, une somme sans précédent dans l’histoire de la justice commerciale.

L’économiste Andreï Illarionov, conseiller du Kremlin lors de la liquidation de Ioukos, a lié sur son blog la libération de M. Khodorkovski à cette procédure à l’issue potentiellement très douloureuse pour Moscou.

« Nous sommes très contents que M. Khodorkovski soit libre, mais cela n’a aucune répercussion sur l’affaire », rappelle de son côté le directeur de GML, Tim Osborne, interrogé par l’AFP, rappelant que l’ex-oligarque « a cédé tous ses intérêts financiers dans GML et donc dans Ioukos ».

« Dizaines de milliards de dollars »

Les plaignants s’appuient sur un traité protégeant les investissements dans les projets énergétiques, jugeant que la liquidation de Ioukos, dépecé et vendu à la découpe en grande partie au pétrolier public Rosneft, relève de l’expropriation.

Les audiences ont eu lieu en octobre et novembre 2012 et les juges ont promis de rendre leur décision avant la mi-2014.

« Sur le fond, je suis très confiant », assure à l’AFP Emmanuel Gaillard, du cabinet d’avocats Shearman & Sterling, qui représente GML.

La question du montant des dommages est bien plus incertaine, les 113 milliards demandés reposant sur un calcul contesté. « De toute façon, on parle d’une somme considérable, de plusieurs dizaines de milliards de dollars », note M. Gaillard.

De leur côté, les ex-dirigeants du groupe, représentant les actionnaires et créanciers, ont créé en 2005 deux fondations de droit néerlandais afin de protéger les actifs de Ioukos se trouvant hors de Russie.

Ils ont aussi saisi la Cour européenne des droits de l’homme, qui leur avait partiellement donné raison sur le fond en 2011, pour obtenir le versement de milliards de dollars de dommages et intérêts.

En attendant une éventuelle décision en leur sens, ils ont saisi la justice (Etats-Unis, Pays-Bas, France, Royaume-Uni) et ont déjà obtenu plusieurs centaines de millions de dollars.

A leur demande, un juge new-yorkais vient ainsi de sommer Rosneft de rembourser un prêt impayé de 186 millions de dollars à une filiale sous leur contrôle.

« Notre but a toujours été de protéger les actifs internationaux de Ioukos d’une expropriation par le gouvernement russe et de récupérer les dettes de Rosneft, pour les reverser aux actionnaires et créanciers », explique à l’AFP l’ancien directeur financier de Ioukos, Bruce Misamore.

AFP

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