Cette malédiction de l’or noir qui prive l’Afrique de sa richesse

Mercredi 23 mai 2007

Journal l’Humanité

Rubrique Tribune libre

Article paru dans l’édition du 3 février 2007.

Cette malédiction de l’or noir qui prive l’Afrique de sa richesse

Afrique pillage à huis clos. Comment une poignée d’initiés siphonne le pétrole africain, par Xavier Harel. Éditions Fayard, 2006, 280 pages, 19 euros.

«  La malédiction de l’or noir existe bel et bien. » C’est le constat que dresse le journaliste Xavier Harel dans ce passionnant ouvrage consacré à l’exploitation pétrolière en Afrique. « En Afrique, pétrole n’a jamais rimé avec prospérité mais avec pauvreté, corruption, instabilité politique et guerre civile. » Nigeria, Gabon, Guinée Équatoriale, Congo Brazzaville : les populations des pays détenteurs de pétrole sont parmi les plus pauvres et les plus abandonnées du monde.

À la source de ce paradoxe, les relations troubles entre les anciennes métropoles et les nouvelles capitales pétrolières du continent. « L’Afrique meurt du comportement prédateur de certains de ses dirigeants, pour le plus grand profit des majors du pétrole… Avec la bénédiction de Jacques, Tony et Georges. » Au-delà de la multiplication des discours sur la nécessité de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, les gouvernements occidentaux s’accommodent fort bien de régimes corrompus qui accordent des concessions pétrolières à leurs compagnies. Leur complaisance à l’égard des paradis fiscaux comme leur refus de contraindre leurs groupes pétroliers à publier les royalties versées aux pouvoirs africains permet tous les détournements. De la France à la Chine, en passant par le Royaume-Uni et les États-Unis, pas un pays en quête de matières premières qui ne participe au grand pillage des richesses africaines.

Les pouvoirs africains ne sont pas en reste. À elles seules, leurs élites « détiendraient entre 700 et 800 milliards de dollars dans des comptes à l’étranger ». En 2005, un séjour de huit jours à New York d’une délégation congolaise a coûté 295 000 dollars au pays, dont 8 500 dollars par jour pour la suite du président Sassou Nguesso. Dans ce pays, le niveau de corruption est tel que les fonds vautours, qui possèdent une partie de la dette du pays et exigent à ce titre la transparence, sont devenus « paradoxalement les alliés objectifs des populations ». En Angola, le pouvoir a été jusqu’à menacer de retirer ses droits d’exploitation à BP, pour empêcher la compagnie britannique de mettre en application sa promesse de rendre publiques l’ensemble des sommes versées au gouvernement du pays.

Les sommes détournées sont considérables. « L’Union africaine estime que 148 milliards de dollars quittent chaque année le continent pour trouver refuge dans le système financier des pays développés. » Et ces fonds pourraient encore s’accroître avec l’augmentation de la production. Face à de tel montants, les moyens promis dans le cadre de l’aide au développement paraissent bien dérisoires. Devant les faibles résultats des initiatives officielles de régulation, Harel prône l’obligation pour les compagnies du Nord « de publier, pays par pays, les paiements réalisés ». Un point de départ indispensable pour permettre aux populations africaines de faire pression sur leurs gouvernements. Comme le résume l’économiste Joseph Stiglitz, cité par l’auteur, ce dont ces pays producteurs ont besoin « ce n’est pas un soutien financier extérieur plus important, c’est d’être aidé en vue d’obtenir la pleine valeur de leurs ressources et de bien dépenser l’argent reçu ».

Camille Bauer

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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