Pétrole nigérian : des négociants suisses accusés

Vendredi 28 mars 2014

Pétrole nigérian : des négociants suisses accusés

Le Point.fr - Publié le 27/03/2014 à 20:08

Selon l’ONG La Déclaration de Berne, des milliards de dollars passeraient par des sociétés de négoce à Genève, puis s’évaporeraient aux Bermudes.

De notre correspondant à Genève, Ian Hamel

En octobre 2012, les autorités d’Abuja adressent à Berne une commission rogatoire internationale ciblant cinq compagnies de négoce installées sur les bords du lac Léman, à savoir Vitol, Litasco, Gunvor, Arcadia Energy et Petrade Brassleto, toutes actives dans l’or noir au Nigeria. Première surprise, Petrade Brassleto, totalement inconnue, n’est même pas inscrite au registre du commerce. L’ONG La Déclaration de Berne (DB), auteur d’un rapport intitulé « Les affaires obscures des négociants suisses au Nigeria », découvre que Petrade Brassleto est, en fait, domiciliée chez le géant Vitol, boulevard du Pont d’Arve à Genève. Mais contactée par l’ONG, Vitol jure que « Petrade Brassleto ne fait pas partie de son groupe » et que son existence lui est inconnue…

En clair, l’univers du négoce en Suisse est encore plus opaque que celui de la finance. Il n’y a ni réglementation, ni supervision. Or, ces sociétés dominent l’exportation du pétrole brut nigérian ! En 2011, les négociants helvétiques ont raflé 36 % des 223 millions de barils mis en vente par la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC). Si l’on ajoute les sept sociétés nigériennes possédant une filiale suisse, on arrive à 56,22%, soit 14 milliards de dollars. La filiale de MRS Group s’appelle Petrowest Services SA. Signe particulier : elle n’a pas fourni « le moindre document maritime sur huit transactions entre 2010 et 2011 ». Ce n’est qu’une boîte aux lettres installée chez une fiduciaire, dont le patron ne souhaite pas répondre aux questions.

[…] 6,8 milliards de dollars de détournements

Les deux géants suisses Vitol et Trafigura, qui ont récupéré 13,44 % et 13,49 % des exportations nigérianes de brut, pour une valeur cumulée de 6,7 milliards de dollars en 2011, ne sont pas accablés par les impôts, étant domiciliés aux Bermudes, un paradis fiscal qui n’impose pas sur les bénéfices… Les magouilles ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Comme le Nigeria importe 80 % de ses besoins en produits raffinés, les sociétés de négoce se font un plaisir de vendre de l’essence au pays. D’autant que ces importations de produis pétroliers sont largement subventionnés.

Ce mécanisme de subventionnement « a été l’objet de l’un des plus vastes détournements de fonds publics que le continent africain ait connu », dénonce La Déclaration de Berne. Soit 6,8 milliards de dollars entre 2009 et 2011. Car parfois des subventions ont été touchées « alors qu’aucune goutte d’essence n’a été importée ». Pour brouiller encore davantage les pistes, la plupart des transactions se déroulent à l’étranger, à Cotonou (Bénin) et à Lomé (Togo). Lire la suite.

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