La justice genevoise refuse de « balancer » les banquiers

Samedi 7 juin 2014

Conflit fiscal

La justice genevoise refuse de « balancer » les banquiers

Par Fedele Mendicino. Mis à jour à 07h40 le 5/06/14

Le Tribunal de première instance freine la transmission d’informations aux Etats-Unis.

La justice genevoise tient tête à l’Oncle Sam. D’ici à la fin du mois, les banques suisses doivent notamment livrer le nom des employés ayant géré des comptes d’avoirs américains. Pourquoi ? Afin d’échapper aux poursuites des Etats-Unis traquant l’évasion fiscale. Mais à Genève et à Zurich, des dizaines d’employés concernés se rebiffent en saisissant la justice de leur canton. Qui dans les faits freine la transmission de ces informations.

Parmi ces collaborateurs qui se retrouvent sur le gril américain figure Gérard*. Un homme qui vit dans la peur depuis plusieurs semaines. Ce gestionnaire de fortune, aujourd’hui actif dans une société de gestion privée, a reçu ce printemps, un courrier de son ancien employeur, Hyposwiss. La banque privée genevoise lui rappelle qu’il a travaillé dans l’établissement entre 2001 et 2009. A l’époque, l’employé avait la responsabilité de plusieurs comptes américains dans cette banque.

Mal lui en prit : il se retrouve potentiellement dans le collimateur de la justice des Etats-Unis. En effet, rappelons-le, en vertu d’un arrangement signé avec ce pays, les banques suisses acceptent de livrer des informations sur ces avoirs américains, y compris les noms d’employés. En échange, les Etats-Unis s’engagent à ne pas attaquer les établissements qui jouent le jeu de la transparence. Dans le cas de Gérard, Hyposwiss est prête à livrer son nom. Guère plus, lui dit-elle.

« Ces accords lient les banques et les Etats-Unis, mais pas les employés, relève Me Valérie Pache Havel, avocate de Gérard. Or, les collaborateurs et ex-collaborateurs risquent des poursuites si la justice américaine estime qu’ils ont aidé des citoyens américains à frauder leur fisc. » Gérard affirme avoir la conscience tranquille. Mais il a de la famille outre-Atlantique et il n’ose pas leur rendre visite depuis cette polémique.

Convaincu de son bon droit, il a récemment saisi le Tribunal de première instance (TPI) pour s’opposer à cette transmission d’information attendue, selon l’accord, pour la fin du mois de juin. Bonne nouvelle pour lui : la justice genevoise va pour l’instant dans son sens. Dans une ordonnance du 2 juin, le TPI interdit toute transmission d’informations aux Etats-Unis. Les juges, qui ont fixé une audience pour le 8 juillet, comptent examiner, documents à l’appui, la situation. Avant de trancher sur le fond en écoutant les arguments de Gérard et d’Hyposwiss, les magistrats ont donc accordé des mesures dites superprovisionnelles. « Mon client craint de se voir interpellé à la douane pour être entendu, ne serait-ce que comme témoin, par la justice américaine, poursuit Me Pache Havel. Il s’estime « trahi » par son ancien employeur. »

Développements dans nos éditions print et numériques du vendredi 6 juin.

La Tribune de Genève.

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