Au Congo, des créanciers qui ont bon dos

Vendredi 25 mai 2007

Au Congo, des créanciers qui ont bon dos

Le Président justifie sa gestion opaque du pays par la pression de ces fonds voyous.

Par Pauline SIMONET

QUOTIDIEN : vendredi 25 mai 2007

Libreville (Gabon) de notre correspondante

Voilà qui va faire plaisir au président congolais. La dénonciation du Club de Paris intervient après des mois de confrontation entre autorités de Brazzaville et associations de lutte contre la corruption. Pointé du doigt pour l’opacité de la gestion de la manne pétrolière, le chef de l’Etat, Denis Sassou-Nguesso, s’est opportunément mué en chantre de la lutte contre les « fonds vautours », coupables à ses yeux de déstabilisation des finances congolaises. Et pour cause : le Congo est la principale cible de ces fonds qui rachètent à vil prix la dette des pays pauvres pour ensuite exiger, souvent devant la justice, des remboursements faramineux.

Barils. D’après Brazzaville, les fonds vautours exigent 150 millions de dollars, en remboursement de dettes congolaises rachetées pour 1,5 million. La société Kensington, basée aux îles Caïmans, est l’une des plus virulentes. Elle a obtenu gain de cause face à l’Etat congolais devant des tribunaux britannique et américain, en 2005 et 2006. Lors de ces procès, des montages financiers complexes ont été mis au jour en Grande-Bretagne, révélant d’importants détournements de fonds publics congolais par l’intermédiaire de toute une série de sociétés écrans. Aux Etats-Unis, un autre jugement a donné raison à Kensington contre la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) et certains de ses dirigeants. La justice a ainsi autorisé la société à saisir les cargaisons et recettes pétrolières congolaises transitant par le territoire américain. Conséquence, la SNPC, craignant que ses barils soient appréhendés par ses créanciers, a suspendu en mars dernier ses exportations d’or noir vers les Etats-Unis, préférant les marchés latino-américain et asiatique.

S’appuyant sur ces décisions de justice, un rapport de l’ONG britannique Global Witness intitulé « l’Enigme du Sphinx » ­ du nom d’une société écran qui aurait permis aux autorités congolaises de dissimuler à ses créanciers une partie de ses revenus pétroliers ­ accuse le Congo de gestion opaque de ses pétrodollars, principale ressource du pays. Une pluie de critiques émanant de diverses organisations de défense des droits de l’homme s’est alors abattue sur Brazzaville. Et le concept de fonds vautours est tombé à pic pour le président congolais, dont des proches sont accusés de malversations. Si le Congo « cache » ses revenus pétroliers, c’est pour échapper à des « créanciers vautours » qui veulent saisir les comptes du pays, se sont défendues les autorités, faisant mine de regretter d’avoir eu recours à ces mécanismes peu orthodoxes pour se protéger. Les sociétés écrans qui ont servi à détourner des recettes pétrolières congolaises auraient donc été mises en place pour échapper à leur voracité.

« Ampleur ». De parfaits boucs émissaires, selon plusieurs membres de la société civile congolaise. « En tant que citoyen africain, je ne peux que dénoncer les fonds vautours qui profitent de la faiblesse et de la pauvreté de certains Etats du Sud, indique l’un d’eux. Mais, dans le cas du Congo, les enquêtes que ces sociétés détentrices de fonds vautours ont diligentées pour récupérer leur argent ont tout de même permis de mesurer l’ampleur des détournements dans la gestion des fonds pétroliers du pays. »

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