Le G20 prêt à se montrer « très agressif » sur la fiscalité

Vendredi 14 novembre 2014

Economie

Le G20 prêt à se montrer « très agressif » sur la fiscalité

Publié le 14/11/2014

Brisbane (Australie) (AFP) © 2014 AFP

Le G20 de Brisbane aboutira à des décisions « très agressives » sur la fiscalité, a promis vendredi l’hôte australien, alors que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker reste empêtré dans le scandale Luxleaks.

L’Australie, qui a fait du combat contre l’optimisation fiscale une de ses priorités pour sa présidence du G20, dit tabler sur des résultats tangibles à l’issue du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qu’elle accueille ce week-end.

« Je suis convaincu que nous allons assister au lancement d’approches très agressives à l’encontre des grands groupes multinationaux », a affirmé vendredi le ministre australien des Finances Joe Hockey.

Interrogé sur la radio ABC, il a assuré qu’il y avait « un engagement de tout le monde » au sein du G20 « sur un projet (commun) et les objectifs visés ».

Les Etats-Unis « étaient au départ très prudents, mais eux-même voient bien qu’ils perdent de l’argent sur les revenus des grandes multinationales », a-t-il souligné.

Les dirigeants du G20 doivent examiner samedi et dimanche une série de moyens de combler les failles juridiques qui permettent aux entreprises d’adopter des stratégies pour payer le moins d’impôts possible — ce qui coûte aux Etats des milliards de dollars. « Du vol » pur et simple, selon M. Hockey.

 ’Resserrer les mailles du filet’-

« Ces questions de fiscalité seront très haut dans l’agenda », a confirmé vendredi un responsable de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) présent à Brisbane, qui pilote la lutte contre l’érosion des bases fiscales (BEPS).

Il devrait y avoir deux volets dans les décisions du G20. Sur le premier, relatif à l’échange automatique de données bancaires entre pays — dès lors qu’un ressortissant d’un Etat dispose d’un compte à l’étranger—, « nous avons enregistré des avancées et des résultats », a indiqué Pascal Saint-Amans dans une conférence de presse.

« Si on remonte cinq ans en arrière, le secret bancaire était la règle dans beaucoup de pays » mais bientôt « il y aura un flux d’informations bancaires vers les administrations », s’est-il réjoui.

« Nous ne sommes pas complètement naïfs, il faudra voir la mise en œuvre sur le terrain », a-t-il tempéré, pointant les défis techniques à relever.

Le deuxième volet attendu sera la validation d’une première séries de mesures destinées à limiter l’optimisation fiscale des entreprises.

De leur côté, les ONG spécialisées dans la transparence financière se montraient prudemment optimistes, tout en mettant en garde contre un accord aux effets trop limités.

« Il ne manque pas grand-chose pour que la réponse (contre l’évasion fiscale et la corruption) soit efficace mais nous n ?y sommes pas encore », a ainsi commenté ONE France dans un communiqué.

« Ce fléau étant global, la solution ne peut se borner aux frontières du G20, au risque de laisser trop d’espace (…) pour créer de nouveaux paradis fiscaux, notamment dans les pays en développement », s’est-elle alarmée. « Les mailles du filet doivent être les plus serrées possibles dès le début ».

  • L’embarrassant cas Juncker -

La question est d’autant plus brûlante que l’Union européenne, poids-lourd du G20, reste sous le choc des révélations sur le système d’optimisation fiscale massif mis en place au Luxembourg au profit de multinationales telles qu’Amazon, Apple ou Ikea.

Le scandale a éclaboussé l’actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre du Grand-Duché entre 1995 et 2013, le mettant en position délicate juste avant son arrivée à Brisbane.

Le rescrit fiscal (tax ruling), qui permet à une entreprise d’obtenir des engagements de l’administration sur la fiscalité qui lui sera appliquée, est conforme aux règles internationales, mais va à l’encontre de la « justice fiscale » et des « normes éthiques et morales », a reconnu M. Juncker jeudi.

"C’était prévisible« , a déclaré M. Saint-Amans. »Nous avions recommandé que, quand un pays délivre un +ruling+, les autres pays en soient automatiquement informés".

Pour l’OCDE, une clarification des « règles du jeu » est encore plus nécessaire, car la disparition progressive des paradis fiscaux contribuera à intensifier la concurrence des Etats en termes de fiscalité.

« S’il n’y a plus de paradis fiscal à zéro impôt, les pays seront obligés de rivaliser pour offrir les niveaux (d’imposition) les plus attractifs » pour les entreprises, a estimé M. Saint-Amans dans une interview au groupe de médias australien Fairfax

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