Vincent Bolloré : Enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon

Dimanche 27 mai 2007 — Dernier ajout mercredi 5 septembre 2007

Vincent Bolloré : Enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon

Nathalie Raulin et Renaud Lecadre, Vincent Bolloré. Enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon, Denoël, 2000, 325 p.

Sur un personnage qui serait « en passe de devenir le nouveau parrain des relations franco-africaines », l’enquête était indispensable. Elle est minutieuse et alerte, alignant les pratiques très peu catholiques d’un catholique très pratiquant. À notre regret cependant, un seul chapitre est consacré au rôle du groupe Bolloré en Afrique. Une expansion spectaculaire, une implantation tentaculaire, une visée monopolistique : toute la chaîne du transport, mais aussi les cigarettes, les matières premières agricoles (tabac, caoutchouc, cacao, coton), voire les bois exotiques.

Ce chapitre unique n’a pas permis aux auteurs de développer le rôle si néfaste de Bolloré dans la guerre du Congo-Brazzaville, sur fond de barbouzes et de mercenaires. Il se conclut d’ailleurs bizarrement, sur ce sujet même : « Rumeurs invérifiables, rumeurs fausses donc ». On suppose que c’est de l’humour. Ou du droit pénal. Car du point de vue de la vérité, ce n’est pas parce que les journalistes n’ont pu vérifier quelque chose que c’est faux - surtout lorsqu’ils ont été si peu nombreux à chercher, et que la réalité s’entoure de barbelés. En 1942, la Shoah n’était pour les journalistes qu’une « rumeur invérifiable ». Pour 99 % d’entre eux, elle l’est restée jusqu’à la fin (1945).

Le chapitre précédent par contre, sur le rachat de la société Saga par Pierre Aïm (1991), puis par Bolloré (1996), est éminemment instructif. Bolloré avait au préalable mis la main sur deux entreprises-clés des transports africains, SCAC et Delmas-Vieljeux. Les auteurs montrent que, dès 1991, Aïm et Bolloré n’étaient pas vraiment concurrents. Le second a pu ainsi, en plusieurs étapes, s’assurer une position de monopole, puis s’attacher officiellement les services du sulfureux Aïm, fastueux failli. Avec le parrainage du tribunal de commerce de Nanterre, dont sont une fois de plus exposées les mœurs incestueuses.

Dans cette escalade françafricaine, on retrouve Michel Roussin, bien sûr. Et un fervent supporter : Michel Rocard - ce qui ne surprendra qu’à moitié les lecteurs de Billets.

Depuis que Loïk Le Floch-Prigent a avoué qu’Elf était « une agence de renseignement », la compagnie pétrolière est devenue un instrument trop visible des services secrets français. La place est à prendre.

L’arrivée chez Bolloré de Michel Roussin, un grand ancien, équivaut-elle à celle de Maurice Robert chez Elf, vingt ans plus tôt ?

Extrait de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°81 - Mai 2000 -

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