Confirmation d’un vaste plan de corruption

Lundi 19 janvier 2015

Sonatrach, Saipem et Shakib khelil

Confirmation d’un vaste plan de corruption

le 18.01.15 | 10h00

Les juges milanais qui ont conclu leur enquête sur l’affaire Saipem-Sonatrach — grâce à des écoutes téléphoniques — sont persuadés que l’ancien patron de l’ENI était au courant des pots-de-vin versés aux responsables algériens. Ce dernier avait toujours nié son implication dans ce scandale de corruption internationale.

Au ministre Corrado Passera, chargé du Développement économique dans le gouvernement Mario Monti, qui lui demandait des explications sur l’affaire Saipem-Sonatrach, l’administrateur délégué de l’Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) avouait que, selon lui, les 197 millions d’euros étaient destinés à corrompre des responsables algériens : « Je suis d’accord que ce (commissions) sont en quelque sorte des pots-de-vin versés à des responsables politiques algériens.

Nous ne savons pas à qui, mais à un certain Algérien. » C’était le 31 janvier 2013. Le gouvernement italien, inquiet des répercussions de ce scandale qui avait fait chuter en Bourse les actions de Saipem, voulait sonder Paolo Scaroni, le numéro un de l’ENI. Ignorant être sur écoute, ce dernier confesse, tout de même, à son interlocuteur, qu’il s’agit de corruption internationale et non de commissions traditionnellement versées par les gérants aux intermédiaires.

Ces révélations, publiées par le quotidien milanais Corriere Della Sera, dans son édition d’hier, vont dans le sens de la conviction du pool de magistrats anticorruption du parquet de Milan qui veulent établir clairement la responsabilité de Scaroni dans cette opération de méga-corruption. Rappelant que cet homme, aux côtés de six autres responsables de Saipem, société dont l’ENI détient 43% du capital, et de l’Algérien Farid Bedjaoui, a été mis en examen.

Toute l’affaire tourne autour du pactole, estimé à 197 millions d’euros, versé par les dirigeants de Saipem aux intermédiaires algériens entre 2007 et 2010 pour décrocher, auprès de Sonatrach, sept contrats d’exploitation de gisements de gaz, d’une valeur globale de 8 milliards d’euros. Selon les juges chargés du dossier, Scaroni était non seulement au courant de ces pratiques, mais il aurait chargé l’administrateur délégué de Saipem, Pietro Tali, de lui organiser des « rencontres secrètes » avec l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, et son homme de confiance Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui.

Bien que l’ancien patron de l’ENI ait toujours réfuté cette thèse, il a reconnu avoir tout fait pour évincer le patron de Saipem de son poste, et plusieurs témoignages concordants d’anciens dirigeants de Saipem, et à présent le contenu des écoutes téléphoniques du 31 janvier 2013, renforcent les forts soupçons des juges. Scaroni, durant la fameuse conversation téléphonique avec le ministre Passera, s’était même vanté, rapporte le quotidien italien, d’avoir découvert, lui-même, le pot aux roses, en passant en revue les comptes de Saipem.

Poussé par le désir d’en savoir plus, il aurait imposé son homme de confiance à la tête de la direction des finances, découvrant par la suite que la société intermédiaire basée à Hong Kong, Pearls Partners, appartenant à Farid Bedjaoui, avait droit à 3% du total du montant de toutes les transactions opérées par Saipem auprès de Sonatrach, soit 197 millions d’euros, raconte-t-il au ministre, à l’écoute, qui s’est écrié avec stupeur : « Ah, tout de même… » -

Nacéra Benali

El Watan.

Revenir en haut