Pourquoi Glencore a mauvaise réputation

Jeudi 5 février 2015

Négoce

Pourquoi Glencore a mauvaise réputation

mercredi 04 février 2015 15:54 Par Christophe Le Bec

Relations controversées avec les États, accusations d’évasion fiscale, partenaires sulfureux… Le géant suisse n’est pas épargné par les critiques… Rien ne semble pourtant le priver du soutien des marchés.

Ne cherchez pas une quelconque évocation de Marc Rich sur le site internet de Glencore. Les communicants du géant du négoce et des mines, qui a réalisé 239,5 milliards de dollars (174 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2013, ont pris soin de faire l’impasse sur son fondateur controversé. C’est pourtant cet homme d’affaires qui a créé Glencore en 1974 (alors appelé Marc Rich & Co), marquant toute une génération de traders dans le secteur des matières premières. Décédé en juin 2013, il cumulait les nationalités américaine, espagnole, belge, israélienne et suisse.

« Marc Rich est une légende dans le milieu des négociants. Pour beaucoup, il est même le fondateur du marché libre du pétrole, jadis dominé par les »sept soeurs" [les majors pétrolières américaines et européennes]. Par ses opérations, il a cassé leur cartel. Et il en a fait de même pour d’autres marchés de matières premières, dont celui du cuivre. C’est l’inventeur de nouvelles méthodes pour contourner les règles en vigueur sur les marchés, comme les prêts à des gouvernements gagés sur des ressources pétrolières et minières futures", égrène Marc Guéniat, responsable d’enquête à l’ONG suisse La Déclaration de Berne, qui travaille sur les questions de transparence du secteur du négoce. « Il a été le champion de la prise de risque politique, avec des transactions dans des pays en guerre ou sous blocus, générant de gros retours sur investissements », ajoute-t-il.

Pour bâtir Glencore, Marc Rich, condamné aux États-Unis pour violation de l’embargo sur le commerce avec l’Iran avant d’être gracié en 2001 par Bill Clinton, s’était installé à Baar dans le discret canton suisse de Zoug, fiscalement très accueillant. De là, il a créé un empire aux ramifications mondiales, empire qui tenait, à la mi-2011, au moment de son entrée en Bourse à Londres, 50 % du marché mondial du cuivre, 38 % de celui de l’alumine et 45 % de celui du plomb.

Pour en arriver là, Rich avait recruté une série de traders aussi habiles et « risqueurs » que lui, surnommés les Rich Boys. Parmi eux, une poignée de Sud-Africains dont Ivan Glasenberg, l’actuel patron de Glencore, mais aussi quelques Français, et en particulier Claude Dauphin et Éric de Turckheim, qui ont par la suite créé Trafigura, un autre grand du négoce.

[…] L’entreprise est cotée à Londres depuis 2011… après trente-sept ans d’existence hors de la Bourse. Son absorption fin 2013 du groupe minier suisse Xstrata - pour 46 milliards de dollars -, très présent dans le cuivre et le fer sur le continent africain (en RD Congo et en Mauritanie notamment), l’a fait entrer dans l’indice FTSE des 100 premières valeurs de la Place de Londres et a renforcé son poids sur les marchés… suscitant l’attention des ONG et celle des médias.

Suite à cette opération, le groupe dispose d’une capitalisation boursière de 70 milliards de dollars, dont 37 milliards de dollars flottants, le reste étant détenu par ses 480 salariés-actionnaires, dont la fidélité est récompensée par une distribution généreuse de dividendes (182 millions de dollars pour le seul Ivan Glasenberg en 2013).

Le géant, qui avait placé le secret et la discrétion au cœur de sa culture d’entreprise, est aujourd’hui sous les feux des projecteurs. Au-delà de son histoire - qu’il lui faut pourtant assumer -, Glencore est mis à l’index pour deux dérives majeures qui perdureraient, héritage de la culture d’entreprise laissée par Marc Rich : l’évasion fiscale et les liens d’affaires avec des partenaires controversés. Et c’est sur le continent qu’elles ont été le plus dénoncées. Lire la suite.

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