L’immobilier de luxe à Londres, centre mondial du blanchiment d’argent

Mercredi 4 mars 2015

L’immobilier de luxe à Londres, centre mondial du blanchiment d’argent

LE MONDE ECONOMIE | 04.03.2015 à 00h00 • Mis à jour le 04.03.2015 à 00h06 | Par Eric Albert (Londres, correspondance)

L’immobilier de luxe à Londres « devient un refuge pour l’argent volé du monde entier », selon un rapport publié mercredi 4 mars par Transparency International. Si le phénomène est connu, l’association de lutte contre la corruption lève pour la première fois un coin du voile sur son ampleur. Elle révèle que 40 725 propriétés à Londres sont possédées par des sociétés enregistrées dans les paradis fiscaux, cachant l’identité réelle de leur détenteur. Cela représente plus de six kilomètres carrés de la capitale britannique, selon une analyse exclusive du Land Registry (la base de données enregistrant les propriétés)

Dans les quartiers les plus chers, cette pratique est désormais particulièrement courante. A Westminster, 9,2 % des propriétés sont possédées via des sociétés offshore. La proportion est de 7,3 % à Kensington et Chelsea et de 4,5 % à la City. Ces sociétés sont presque toutes enregistrées dans les paradis fiscaux de l’aire d’influence britannique : îles Vierges britanniques (34 %), Jersey (14 %), île de Man (8,5 %), Guernesey (8 %), Panama (3,5 %)…

Bien sûr, l’utilisation d’une société offshore pour acheter une propriété ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit de blanchiment d’argent, ni même d’évasion fiscale. Mais la police britannique confirme que l’immobilier de luxe à Londres est l’un des conduits préférés des corrompus de la planète pour légitimer des sommes volées. « Dans presque toutes nos enquêtes de corruption internationale, nous trouvons des propriétés de luxe », explique Jon Benton, le directeur de l’unité anti-corruption de Scotland Yard.

[…] Pourquoi Londres attire-t-elle autant le blanchiment d’argent ? L’explication vient partiellement des liens historiques avec les paradis fiscaux. La présence à la City d’armées d’avocats, de fiscalistes et de banques d’affaires aide également. Mais c’est aussi la respectabilité d’une grande capitale européenne qui séduit. « Souvent, le blanchiment d’argent s’accompagne d’un blanchiment de réputation, souligne Nick Maxwell, l’auteur du rapport de Transparency International. Les acheteurs de biens immobiliers embauchent aussi une agence de communication, pour faire leur promotion. »

Le rôle des intermédiaires

Il épingle aussi le rôle des intermédiaires, qui rendent le blanchiment d’argent possible. Pour chaque transaction immobilière, au moins un agent immobilier, un notaire et une banque ont été mobilisés. Si les établissements bancaires semblent prendre le travail de lutte contre le blanchiment d’argent de plus en plus au sérieux, les agents immobiliers sont en revanche particulièrement passifs. « Ils ne rapportent que 0,05 % de toutes les plaintes auprès des autorités pour suspicion de blanchiment », s’agace M. Maxwell.

En partie, c’est parce qu’ils préfèrent regarder ailleurs. Ils n’ont pas grand-chose à craindre  : jusqu’à présent, seuls trois agents immobiliers ont été condamnés pour ne pas avoir averti les autorités d’un cas suspect. Mais en partie, leur passivité vient aussi des trous béants de la loi.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/04/l-immobilier-de-luxe-a-londres-centre-mondial-du-blanchiment-d-argent_4586862_3234.html#Y4DfW4I4JX5xevew.99

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