Argentine : un fonds « vautour » sur la piste de l’argent sale
Isabelle Couet / Chef du service Marchés | Le 19/03 à 20:44
Elliott, qui réclame 1,7 milliard de dollars à l’Argentine, va forcer une firme du Panama à lui ouvrir ses dossiers sur des fonds publics qui auraient été détournés.
Rien ne semble pouvoir arrêter Elliott, le fonds « vautour » qui fait trembler le gouvernement argentin. Déterminé et procédurier à l’extrême, celui-ci n’a pas perdu son temps. Huit mois après la nouvelle faillite de l’Argentine, et alors que les négociations avec Buenos Aires sont toujours au point mort, le fonds du milliardaire américain Paul Singer tient une piste prometteuse. Son but ? Saisir de l’argent public argentin qui aurait été détourné, afin de recouvrer une partie de la somme de 1,7 milliard de dollars que lui doit le pays, comme l’a tranché la justice de New York.
Blanchiment d’argent et sociétés écrans
L’une des pistes que le célèbre investisseur activiste a patiemment remontée mène au Panama. Un paradis fiscal où officie une firme très secrète spécialisée dans les montages financiers : Mossack Fonseca, dont le nom est associé à des activités de blanchiment d’argent et à la création de sociétés écrans, comme le relève un juge américain saisi par Elliott. Mossack Fonseca, via une société basée dans le Nevada, aux Etats-Unis -, et dont le magistrat, convaincu par les arguments du fonds « vautour » vient d’établir qu’elle est bien une société soeur du cabinet panaméen- , aurait pour clients deux hommes d’affaires argentins soupçonnés de corruption. Ceux-ci se dissimuleraient derrière une myriade de sociétés écrans à Las Vegas, dont Elliott lorgne les comptes.
« NML [Elliott] soupçonne l’ancien président argentin Nestor Kirchner et sa femme, la présidente Cristina Fernandez de Kirchner, d’avoir octroyé des contrats publics lucratifs à des proches, Làzaro Bàez et Cristobal Lopez, qui ont détourné des milliards et blanchi l’argent au Nevada », explique le juge de cet état américain connu pour sa fiscalité attrayante et ses casinos. Derrière ce soupçon, s’en cache un autre : une partie des fonds auraient été rétrocédés aux époux Kirchner.
La plaidoirie d’Elliott, passé maître dans l’art des procédures judiciaires (sur lesquelles est bâti son modèle économique), a fait mouche auprès du juge. Conséquence : le fonds d’investissement va pouvoir demander l’accès à un certain nombre de documents (comptes bancaires, relevés de virements, etc) concernant les sociétés des hommes d’affaires argentins auprès de Mossack Fonseca.
C’est, au passage, un coup très dur pour le cabinet d’avocats basé au Panama, qui a toujours su protéger ses secrets et ceux de sa clientèle - dont on soupçonne qu’elle compterait des proches de dictateurs tels que Khadafi ou Mugabe. La société, qui a une quarantaine de bureaux dans le monde et connaît actuellement un développement fulgurant en Chine, devra se soumettre aux injonctions de la justice américaine. Pis, la victoire remportée par Elliott pourrait engendrer une « opération transparence » dévastatrice pour elle, si d’aventure des ONG ou autres intervenants s’engouffraient dans la brèche ouverte par le fonds « vautour » et lui demandaient des comptes, aux Etats-Unis. Une issue qui ne manquerait pas de piquant quand on sait qu’Elliott est lui-même immatriculé aux îles Caïmans, un autre paradis fiscal, et traîne une réputation toute aussi sulfureuse que la firme panaméenne, en raison de ses attaques contre des pays au bord de l’asphyxie financière.
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