Baltazar Garzon, ancien juge vedette, dénonce une corruption systémique en Espagne

Samedi 11 avril 2015

Baltazar Garzon, ancien juge vedette, dénonce une corruption systémique en Espagne

AFP - Publié le 11/04/2015 à 09:36

L’Espagne a souffert d’une « corruption systémique » depuis la fin de la dictature franquiste et jusqu’à ce qu’aujourd’hui les citoyens exaspérés réclament un changement, dénonce l’ancien juge d’instruction espagnol Baltazar Garzon.

« Dans toutes les facettes de la vie publique et privée en Espagne, des affaires ont montré que le phénomène de la corruption a pénétré et imprégné chacune de nos institutions et que les réponses ont été insuffisantes », a-t-il affirmé en présentant cette semaine son dernier livre : « La fange, 40 ans de corruption en Espagne ».

L’ancien magistrat, qui a fait la Une de l’actualité mondiale en obtenant brièvement la détention de l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998 à Londres, a été déchu de ses fonctions en 2012 pour avoir ordonné des écoutes téléphoniques illégales en poursuivant une affaire de corruption.

Son livre de 500 pages se présente comme une encyclopédie de la corruption basée sur des enquêtes et des décisions judiciaires, des analyses d’experts et des études d’organisations internationales ou d’ONG.

Il décortique 60 affaires qui forment une chronique noire de la vie politique, économique et sociale du pays depuis la dictature de Francisco Franco (1939-1975) à nos jours, touchant non seulement les politiques mais aussi les banques, l’Eglise, la police, la justice, les médias et jusqu’à la famille royale.

« La corruption est systémique en Espagne ou l’a été, bien que ces derniers temps soit apparue une possibilité de s’indigner et de ne plus transiger, suite à la crise économique qui frappait les citoyens pendant qu’éclataient de véritables scandales dans la finance, la banque, l’économie et les grandes fortunes », a-t-il déclaré.

Propulsés par ce ras-le-bol populaire dans un pays où le chômage touche plus d’un Espagnol sur cinq, de petits partis comme l’antilibéral Podemos et son rival de centre-droit Ciudadanos font campagne contre la corruption et menacent l’hégémonie des deux partis traditionnels, les conservateurs du Parti Populaire, actuellement au pouvoir, et le Parti socialiste (PSOE) qui les y avaient précédé.

  • « Tout était permis » -

Mais c’est une réaction récente et l’Espagne a vécu cette corruption pendant des décennies dans l’indifférence ou la résignation face à « une impunité qui remonte au franquisme », souligne Baltazar Garzon.

« Un enchaînement des »il ne se passe rien ici« et des »ce n’est pas si grave« , et de sanctions au bout du compte pratiquement inexistantes, a eu pour résultat que tout était permis et que la seule chose qui comptait c’était de ne pas se faire prendre », a-t-il expliqué.

Le juge dénonce également les entraves mises par des instances officielles aux enquêtes menées « avec beaucoup d’efforts, par des juges, des procureurs ou des policiers, mais pas par les institutions parce qu’elles pouvaient éclabousser le parti au pouvoir », que ce soit le PSOE ou le PP.

Les deux formations sont impliquées actuellement dans de vastes et interminables enquêtes sur des affaires de corruption et de détournements de fonds.

Cheveux blancs lissés en arrière, fines lunettes sans monture, Baltazar Garzon, 59 ans, est un personnage controversé en Espagne. A partir des années 1980, il a enquêté sur des affaires très médiatisées de terrorisme, trafic de drogue, corruption ou crimes contre l’humanité, qui lui ont valu le surnom de « juge vedette ».

Mais en février 2012, il a été reconnu coupable d’avoir ordonné des écoutes téléphoniques en prison entre des avocats et des prévenus dans une affaire de corruption, le réseau Gurtel, où sont impliqués depuis 2009 de nombreux membres du parti conservateur. Il a perdu le droit d’exercer la magistrature pendant 11 ans.

Il a également été poursuivi, et acquitté, pour avoir tenté d’ouvrir une enquête sur les crimes du franquisme couverts par une loi d’amnistie datant de 1977.

Baltazar Garzon dirige aujourd’hui un cabinet d’avocats à Madrid et défend des clients comme Julian Assange, fondateur du site internet WikiLeaks, qui a publié des centaines de milliers de documents confidentiels américains.

11/04/2015 09:35:34 - Madrid (AFP) - Par Anna CUENCA - © 2015 AFP

Revenir en haut