SwissLeaks relance l’enquête sur la mort d’un diamantaire anversois

Jeudi 16 juillet 2015

SwissLeaks relance l’enquête sur la mort d’un diamantaire anversois

Mis en ligne le 16.07.2015 à 05:50

Zoom. La police fédérale belge intervient à la suite des révélations de « L’Hebdo ».

Aliaume Leroy et François Pilet

Le 26 juin 2012, comme chaque matin, le diamantaire Alain Lesser quittait son domicile de Sorbenlaan, une banlieue cossue d’Anvers, pour se rendre au travail. « Il est parti en se demandant s’il devait prendre une veste », se souvient un proche. Quelques heures plus tard, le corps sans vie d’Alain Lesser était retrouvé partiellement carbonisé dans un terrain vague, à côté de sa voiture. Rien dans la vie apparemment tranquille d’Alain Lesser ne pouvait laisser présager une fin aussi tragique. Petit-fils de commerçants juifs disparus à Auschwitz, cet homme affable et bon vivant de 58 ans était père de trois enfants adolescents. La thèse du suicide est inconcevable, tant pour ses proches que pour les membres de la communauté juive à laquelle il appartenait. L’enquête sur ce décès hautement suspect a été confiée au juge d’instruction de Termonde, Paul De Bruecker. En deux ans et demi, il n’a pas avancé d’un pouce.

Investigations américaines

Jusqu’au 12 février 2015. Ce jour-là, dans le cadre de l’opération SwissLeaks, L’Hebdo révélait l’implication d’Alain Lesser dans un vaste réseau de blanchiment d’argent de la drogue entre les Etats-Unis, la Suisse et le Vietnam (lire « Monsieur Simon et l’abeille reine : des trafiquants au-dessus de tout soupçon » dans L’Hebdo du 12 février 2015). L’article expliquait que les noms du diamantaire et de sa société anversoise, Intercontinental Diamond Company, étaient apparus en 2004 dans une enquête de l’agence antidrogue américaine, la DEA.

Les relevés d’un compte appartenant à Alain Lesser chez HSBC Private Bank à Genève avaient été retrouvés lors d’une perquisition au domicile d’un membre d’un gang vietnamien d’Atlanta. Les dealers avaient viré des centaines de milliers de dollars au diamantaire, qu’ils appelaient « Alain ». Il avait fallu des années de procédure aux autorités américaines pour remonter la piste et obtenir le blocage par la Suisse du compte d’Alain Lesser à Genève.

La nouvelle de l’implication du diamantaire dans ce réseau de blanchiment s’est répandue comme une traînée de poudre dans la communauté israélite d’Anvers, avant de remonter jusqu’au parquet de Temonde. Les autorités belges ignoraient tout de ce versant sombre des affaires d’Alain Lesser, comme le confirme le juge d’instruction Paul De Bruecker. « Au vu de ces éléments, nous allons revoir nos investigations autour de cette affaire », indiquait le magistrat à L’Hebdo il y a quelques semaines. Depuis, le procureur a demandé que l’instruction soit confiée à la police fédérale belge, qui dispose d’une unité spécialisée dans les affaires diamantaires, surnommée Diamond Squad.

Les proches d’Alain Lesser ne se font pas d’illusions sur les chances d’élucider cette mystérieuse disparition si longtemps après les faits. L’avocat de la famille, Frank Marneffe, veut pourtant y croire. A ses yeux, les révélations de L’Hebdo « tendent à accréditer la thèse d’un assassinat ».

Seule certitude : les autorités belges ne se sont pas donné beaucoup de peine pour tenter d’éclairer les circonstances de la mort d’Alain Lesser. Notamment, elles ne semblent pas avoir prêté grande attention au volet financier de l’affaire.

[…] La justice belge entretient des rapports compliqués avec la communauté diamantaire d’Anvers. Les autorités ont souvent été accusées de laxisme envers une fraude fiscale endémique au sein de l’industrie. Les révélations de SwissLeaks avaient encore relancé ces critiques, faisant apparaître des centaines de noms de diamantaires échappant au fisc belge. La communauté avait prévenu que, en cas de poursuites trop rigoureuses, il serait tentant pour beaucoup de diamantaires de déménager à Londres ou à Tel-Aviv. Lire la suite.

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