A LA RECHERCHE DE SES MILLIONS ENVOLÉS

Jeudi 30 juillet 2015

A LA RECHERCHE DE SES MILLIONS ENVOLÉS

Le 30 juillet 2015 | Mise à jour le 29 juillet 2015

PAR FRANÇOIS LABROUILLÈRE @flabrouillere

L’homme d’affaires de l’Angolagate accuse ses anciens financiers du Luxembourg d’avoir détourné une partie de sa fortune.

C’est l’histoire de la proie qui devient le chasseur. Arcadi Gaydamak, personnage phare du scandale des ventes d’armes à l’Angola, condamné par la justice française à trois ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment, s’est lancé dans une vaste offensive judiciaire contre les gestionnaires chargés de sa fortune au moment de l’Angolagate. Au Luxembourg, où étaient tenus ses comptes, l’homme d’affaires franco-israélien a déposé une série de plaintes, dont l’une pour « vol, abus de confiance, escroquerie, blanchiment et faux » est en cours d’instruction par la justice pénale. « J’ai un dossier en béton avec toutes les preuves des malversations, assure Gaydamak depuis les environs de Tel-Aviv où il vit désormais. Pendant l’Angolagate, ceux que je pensais être des personnes de confiance ont profité de mes démêlés avec le juge Philippe Courroye pour me dépouiller, sans que je le sache, de plus de 700 millions d’euros. Mais aujourd’hui, j’ai retrouvé ma liberté d’action. Je vais me battre pour récupérer mon argent. » Les adversaires de Gaydamak, eux, décrivent un homme affaibli financièrement, multipliant les procédures, animé par un esprit de revanche.

Tout commence en 2001, quand Arcadi Gaydamak est au sommet de sa puissance. Arrivé sans le sou à Paris trente ans auparavant, l’ancien immigré russe a fait fortune en jouant les intermédiaires de luxe dans la renégociation de la dette de l’Angola envers la Russie. Riche d’un pactole de 330 millions d’euros, il décide de transférer ces fonds depuis Chypre vers la banque Sella du Luxembourg (alors dénommée IBL). Gaydamak confie l’opération à sa femme de confiance au Grand-Duché, la Française Joëlle Mamane, une ancienne employée de banque à son service depuis plusieurs années. Celle-ci lui trouve vingt-sept sociétés-écrans aux îles Vierges britanniques et trois fonds sont constitués à Tortola. Il faut soustraire cet argent à la curiosité du juge Courroye, de plus en plus pressant dans l’enquête Angolagate. Grâce à des placements judicieux – pour l’essentiel des titres de groupes pétroliers ou gaziers russes, comme Gazprom –, les avoirs de l’homme d’affaires explosent. Leur valorisation monte jusqu’à la somme ahurissante de 1,5 milliard d’euros.

GAYDAMAK S’EST-IL PIÉGÉ LUI-MÊME EN VOULANT TROP BIEN CACHER SON TRÉSOR ?

Mais début 2004, suite à des soupçons de blanchiment venant d’Israël, les autorités du Luxembourg ordonnent le gel de ces fonds. C’est à ce moment, affirme Gaydamak dans sa plainte, que se serait nouée l’escroquerie dont il se dit aujourd’hui victime. Selon ses accusations, Joëlle Mamane, aussi appelée Aflalo, et son mari Gad Boukobza auraient convaincu l’homme d’affaires de transférer ses capitaux à un prétendu organisme de charité immatriculé au Panama, la Dorset Fundacion. En outre, en juillet 2005, le couple aurait omis de lui signaler que ses capitaux avaient été finalement débloqués par la justice luxembourgeoise et qu’il pouvait en disposer librement. Ainsi, en 2010 seulement, Gaydamak, défendu par les avocats Laurent Ries et Victor Gillen, aurait appris avec « stupéfaction » que ses fonds étaient libérés depuis belle lurette et qu’« il n’y avait aucune raison de constituer cette fondation Dorset, si ce n’était pour faciliter la fraude et le dépouillement de ses avoirs ».

Bien plus, l’homme d’affaires, après avoir récupéré 950 millions de dollars en 2006 – un montant déjà considérable –, aurait découvert cette même année 2010 que la valeur de ses portefeuilles aurait été considérablement minorée par ses gestionnaires, le spoliant au bas mot de 730 millions d’euros. « Si sa plainte est fondée, Gaydamak s’est piégé lui-même en voulant trop bien cacher son trésor », ironise un proche. Jointe par Paris Match, Joëlle Mamane assure n’avoir commis aucun détournement. « L’affaire ayant été portée devant les tribunaux, je ne peux la commenter publiquement, nous répond-elle. Une enquête objective et impartiale ne pourrait que débouter ce monsieur déjà condamné dans le passé. » Son mari Gad Boukobza parle « d’accusations sans preuves, sans fondement ». Il dément avoir été « gérant d’affaires ou mandataire » de Gaydamak.

Quant à François Prum, l’avocat de la banque Sella, visée par deux autres plaintes, il affiche une parfaite sérénité : « Dans cette affaire, nous avons toujours coopéré avec les enquêteurs et fait preuve d’une grande transparence. Toute la documentation bancaire des différents transferts a été saisie. Elle est entre les mains de la justice du Luxembourg. »

Paris Match

Source de l’article.

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