L’affaire Bouvier-Rybolovlev devant la justice jeudi

Mercredi 23 septembre 2015

L’affaire Bouvier-Rybolovlev devant la justice jeudi

Monaco Le conflit opposant Yves Bouvier à l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev, qui accuse le Genevois d’escroquerie, sera arbitré à huis clos, jeudi, devant un tribunal de Monaco.

Yves Bouvier, qui a fourni une fabuleuse collection de tableaux de maîtres au richissime président russe de l’AS Monaco Dmitri Rybolovlev, peut-il échapper à sa mise en examen en février par la justice monégasque pour escroqueries ? Sa défense plaidera jeudi à Monaco la « nullité de la procédure ». L’homme d’affaires genevois a négocié 37 œuvres d’art d’exception pour un montant de 2 milliards de dollars pour le Russe, via deux sociétés offshore appartenant aux filles du milliardaire. Jusqu’à la brutale rupture entre les deux hommes au bout de onze ans.

Bouvier prétend avoir été attiré à Monaco dans un guet-apens par l’oligarque, le 25 février 2015. Attendu par la police monégasque, il a été mis en examen deux jours plus tard pour « escroqueries » et « complicité de blanchiment ». Le Genevois avait été laissé libre contre une caution de 10 millions d’euros, finalement ramenée à 7,5 millions (plus de 8 millions de francs).

Huis clos

Son avocat parisien Me Francis Szpiner, ira au combat jeudi en présentant à huis clos sa « requête en nullité de procédure » devant la Chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco (chargée d’examiner les décisions des juges d’instruction). Il sera secondé par François Baroin, qui troque pour l’occasion son écharpe de maire de Troyes pour sa robe d’avocat. La décision sera mise en délibéré.

Me Szpiner entend dénoncer « une enquête préliminaire, empreinte de partialité, qui est un scandale judiciaire ». « L’enquête a été faite avec un parti pris systématique » en faveur du président de l’AS Monaco, assène-t-il en parlant d’un « empressement confinant à la servilité ». « La crédibilité de la justice monégasque est entre les mains des magistrats de la Cour d’appel », insiste l’avocat. En face, la défense du Russe, chapeautée par Me Tetiana Bersheda, dénonce une pure « manœuvre judiciaire » pour éviter le fond du dossier.

Une toile de Modigliani

C’est une bombe qui avait explosé le 31 décembre 2014, lors d’un dîner entre Dmitri Rybolovlev et un consultant d’art new-yorkais. Ce dernier lui parle d’un tableau de Modigliani cédé par un Américain pour 93,4 millions de dollars, raconte le clan du Russe.

Or Rybolovlev sait qu’il a acquis anonymement cette même œuvre, « Nu couché au coussin bleu », pour 118 millions de dollars, par l’entremise de Bouvier (prix incluant sa commission de 2%). D’autres tableaux seront évoqués. Le 8 janvier, Rybolovlev déposera une plainte à Monaco pour faux en écriture et escroqueries.

Commissions secrètes

Yves Bouvier, patron de Natural Le Coultre et principal utilisateur des Ports-Francs à Genève, avait rencontré Rybolovlev en 2003 lorsque l’oligarque vivait encore en Suisse. Il a été introduit par Tania Rappo, épouse bulgare du dentiste du couple Rybolovlev, également marraine de leur fille cadette. Pour la remercier, Bouvier lui versera des commissions secrètes pour chaque tableau vendu, ce qui vaudra à la désormais résidente monégasque d’être mise en examen en février à Monaco pour « blanchiment ».

Selon le clan Rybolovlev, des courriers électroniques attesteraient que Bouvier avait bien un rôle « d’agent » négociant des œuvres contre une commission de 2%, sans jamais être propriétaire. Yves Bouvier aurait perçu au total, sans en aviser le milliardaire, « entre 500 millions et 1 milliard de dollars », selon une extrapolation faite par la défense du Russe à partir de certaines ventes. Comme ce Rotkho procuré pour 140 millions d’euros, mais acheté moitié moins par Bouvier.

Une collection digne d’un petit musée

La collection de Rybolovlev est digne d’un petit musée, selon une liste publiée en septembre dans le magazine Vanity Fair : Van Gogh, Gauguin, Picasso, Modigliani, Degas, Rothko, Monet, Toulouse-Lautrec, Renoir, Rodin, Maillol, Matisse, Magritte, de Vinci, El Greco, Giacometti, Klimt. Ce document accompagne une longue interview d’Yves Bouvier, dans laquelle il précise : « Je n’agissais pas en tant qu’intermédiaire, mais comme propriétaire, j’avais le droit de faire des plus-values, c’est la loi du commerce. »

Lundi, l’homme d’affaires genevois a été mis en examen à Paris dans une enquête parallèle sur des vols présumés d’œuvres de Picasso, sur plainte d’une héritière de l’artiste. Selon la défense de Rybolovlev, deux portraits du maître vendus à une société offshore du milliardaire vont être restitués pour authentification jeudi à Paris à la brigade de répression du banditisme.

(afp/nxp)

(Créé : 22.09.2015, 21h33)

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