Denis Robert “Les affaires continuent. C’est le côté increvable du système.”

Mardi 13 octobre 2015

Denis Robert “Les affaires continuent. C’est le côté increvable du système.”

Technikart on 12 octobre 2015 at 14 h 52 min

Un film inspiré de son long combat contre Clearstream sort dans les salles, son docu consacré à Cavanna fera ruer dans les brancards et ses œuvres sont en vente libre au 44, rue Lepic. Que ses ennemis se rassurent, Denis Robert pète la forme.

[…] Denis Robert : J’ai une histoire particulière avec Technikart. Patrick Williams, c’était le premier et le seul journaliste à venir me voir avant que l’affaire sorte. Il était venu à Stiring-Wendel, dans une zone industrielle près de Forbach où je faisais le dérush des entretiens pour mon premier film sur Clearstream. Et, alors qu’il n’y avait encore aucun indice du bordel que ça allait être, il a bien senti qu’on était sur du très lourd. Faudrait que vous retrouviez son papier, il commençait par : « Si Denis Robert dit vrai, la terre va s’arrêter de tourner ». Il avait tout compris avant tout le monde.

Et la Terre s’arrêta de tourner pour vous : vous avez eu droit à 67 procès, à dix ans de procédures… J’ai gagné tous mes procès, mais l’impact sur le grand public n’a jamais été celui qu’il aurait dû être. J’ai eu face à moi un adversaire redoutable et puissant. Mais aujourd’hui, avec les avant-premières du film, les cinémas sont blindés, les gens posent des tas de questions, relisent les livres, ils s’intéressent à l’affaire…

Ces années de médiatisation et de procès ont-elles eu la moindre incidence sur Clearstream et son fonctionnement ? À mon sens, ils ne changent pas. J’avais écrit un livre intitulé Pendant les affaires, les affaires continuent ; et c’est exactement ça. Le paradoxe, qui est un peu fou, c’est que la Cour de cassation ayant dit que mon enquête était sérieuse, de bonne foi et qu’elle servait l’intérêt général, le monde entier peut écrire ce qui est dans mes livres et mes documentaires, ce n’est plus diffamatoire : les accusations concernant l’accueil de banques mafieuses, la fabrication d’une finance parallèle… Et malgré tout, les affaires continuent. C’est le côté increvable du système. Quant à Jean-Claude Junker, l’ancien ministre des Finances luxembourgeois nommé président de la Commission européenne, c’est d’un cynisme absolu…

Clearstream a dû réagir un minimum quand vous commencez à gagner vos procès, non ? Le P-DG de Clearstream, André Lussi, un inamovible banquier, a été viré au bout de trois mois de lutte et de pressions, comme une femme de ménage. Celle du système : on l’a viré, et au lieu de lui filer 10 balles, il a eu 10 millions. Il s’est acheté un yacht à Marbella. Mais très franchement, je crois que le business continue. On est dans un centre névralgique de la finance et de la finance parallèle. Quand on étudie les listings et les milliers de comptes ouverts dans les paradis fiscaux, on voit que Clearstream joue un rôle de pompe qui alimente ces paradis fiscaux – sinon l’économie mondiale s’effondre. Si on enlève du jour au lendemain l’argent de la drogue du système financier, vous avez des usines qui vont fermer en France. On l’a vu avec la crise des subprimes, un rapport de l’ONU le confirme : des banques américaines ont été renflouées avec l’argent de la drogue, par les cartels de Medellín. Lire la suite.

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