Deux petites banques traînent les USA en justice

Lundi 19 octobre 2015

Deux petites banques traînent les USA en justice

Etats-Unis Accusés de blanchiment, ces établissements contre-attaquent et contestent devant un tribunal les décisions prises par le ministère des Finances américain.

Peu connues du grand public, les banques africaine FBME et européenne Banca Privada d’Andorra (BPA) ont décidé de traîner devant les tribunaux les autorités américaines qui les accusent de blanchiment d’argent. Cette action en justice constitue une première.

Elles ont intenté des actions séparées devant une juridiction de Washington, la capitale, pour contester une décision du ministère des Finances (Trésor) et de son unité de renseignements FinCEN les désignant entités facilitant le blanchiment d’argent illicite.

« D’ordinaire, les institutions financières essaient de trouver un accord, mais là, elles n’ont rien à perdre », confie l’ex-procureur fédéral reconverti avocat Jacob Frenkel. Ce dernier estime que le Trésor américain a purement et simplement prononcé « la peine de mort » contre BPA et FBME.

La décision du régulateur signifie en effet que les deux établissements, qui ont une clientèle de multinationales, sont interdits de réaliser directement ou indirectement des transactions en dollars.

Le couperet est tombé le 10 mars dernier pour BPA et le 29 juillet pour FBME qui a réussi à obtenir un sursis de la justice américaine mais la procédure se poursuit.

Comptes fermés immédiatement

BPA n’a pas eu cette chance. Bank of America, Citigroup, HSBC et Wells Fargo, qui effectuaient souvent les opérations en dollars pour le compte de l’établissement andorran, ont immédiatement fermé ses comptes, explique BPA dans sa plainte.

Le gouvernement local a ensuite nommé un administrateur indépendant, chargé de liquider les actifs de la banque, et Banco Madrid, sa filiale espagnole la plus importante, a été acculée à la faillite.

« Les responsables de haut niveau de BPA étaient corrompus et les faibles procédures de contrôle de la banque en matière de lutte contre le blanchiment ont fait d’elle un véhicule facile (…) pour acheminer les bénéfices du crime organisé, de la corruption et du trafic des êtres humains dans le système financier américain », explique Jennifer Shasky Calvery, la directrice de FinCEN.

Larges pouvoirs

« Le Patriot Act », adopté au lendemain des attentats terroristes du 11-septembre, a donné de larges pouvoirs aux régulateurs américains pour contrer le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Ils peuvent ainsi désigner des institutions étrangères potentiellement liées au financement du terrorisme et leur interdire l’accès au secteur financier américain sans avoir à révéler publiquement la preuve de leur culpabilité. Cette disposition est communément connue sous les chiffres « 311 ».

FBME, fondée par des frères Libanais, est accusée d’avoir notamment blanchi de l’argent pour le compte d’un financier du Hezbollah en 2008 et pour l’entité controversée syrienne The Scientific Studies and Research Center, énumère-t-elle dans sa plainte.

La banque, dont le cœur d’activité est à Chypre, aurait aussi monté des sociétés écran pour le compte d’un fils du président de la Guinée équatoriale en 2011 et 2012.

La banque avait elle-même fait le ménage

« FBME ne cherche pas à dire que des transactions qu’elle a effectuées n’ont pas soulevé des interrogations (…) Mais les transactions auxquelles fait référence FinCEN (…) avaient été identifiées par la banque elle-même qui les avait résolues », se défend l’institution dont le holding est basé dans les îles Caïmans.

Mi-2014, FBME avait pour environ 2 milliards de dollars (1,95 milliard de francs) d’actifs sous gestion, tandis que BPA affirme que sa filiale espagnole était évaluée à 253 millions d’euros (279 millions de francs) avant sa liquidation.

« La capacité de BPA à effectuer les transactions en dollars est cruciale pour son modèle économique », avance la banque andorrane, qui proposait une large gamme de services financiers allant des prêts à la gestion d’actifs à des Argentins voulant se prémunir de la forte volatilité du peso.

Décision « arbitraire »

« Si FinCEN a le droit d’imposer une pénalité maximum dans le cadre du 311, dans ce cas les banques à travers le monde devraient énormément s’inquiéter car elles seront ciblées arbitrairement, de manière soudaine et irrévocable », fustige BPA, détenue majoritairement par les Cierco, une famille espagnole.

« C’est surprenant que les mesures contenues dans le 311 n’aient jamais été prises contre les banques dans des régions stratégiques que sont les pays du Moyen-Orient où le blanchiment d’argent est une grosse préoccupation (…) ou contre les banques des pays de l’Ouest », dénonce BPA, citant nommément HSBC, BNP Paribas, Commerzbank et Wachovia.

Sollicité par l’AFP, FinCEN n’a pas donné suite.

Pour attester de leur bonne foi, BPA et FBME attirent l’attention de la justice américaine sur le fait que leurs comptes ont été audités par les éminents cabinets KPMG et Deloitte pour la première et KPMG et EY (ex-Ernst & Young) pour la seconde.

(afp/nxp)

(Créé : 18.10.2015, 16h51)

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