Thomson, l’autre dossier gênant

Jeudi 30 juin 2005 — Dernier ajout mardi 8 mai 2007

Thomson, l’autre dossier gênant

Soupçons d’abus de biens sociaux contre Breton, ex-PDG du groupe.

Par Nicolas CORI

jeudi 30 juin 2005 (Liberation - 06 :00)

Mauvais karma pour Thierry Breton. Cette semaine, le ministre des Finances s’est retrouvé directement impliqué dans deux affaires judiciaires liées à sa carrière dans le monde de l’entreprise.

Lundi, son bureau du ministère de l’Economie et son domicile ont été perquisitionnés par la brigade financière dans le cadre de l’affaire Rhodia, entreprise où il a été administrateur.

Mardi, ce sont les locaux de Thomson, groupe qu’il dirigeait jusqu’en 2002, qui ont reçu la visite de la justice. Cette dernière enquête sur les conditions dans lesquelles Vivendi Universal a vendu sa filiale Canal + Technologies à Thomson. Cette succession d’événements veut-elle dire qu’il y a un lien entre les deux affaires ? L’hypothèse est vigoureusement niée par l’intéressé, qui dénonce une « manipulation » et un « amalgame ». Reste que, dans les deux affaires, on retrouve, comme par hasard, les mêmes hommes.

L’initiateur des plaintes, d’abord. Il s’agit d’Edouard Stern, le financier français assassiné à Genève en mars. Actionnaire minoritaire de plusieurs sociétés cotées, il n’hésitait pas à s’attaquer aux dirigeants quand il estimait s’être fait avoir. C’était le cas de Vivendi et de Rhodia, deux sociétés dans lesquelles il avait investi et qui ont plongé en Bourse. Il considérait ainsi que la direction de Rhodia avait surévalué ses acquisitions et sous-évalué ses risques. Et avait déposé plusieurs plaintes à partir de 2003. Concernant Vivendi, il remettait en cause la faiblesse du prix de vente de Canal + Technologies (190 millions d’euros), alors qu’il était estimé auparavant à plus de 1 milliard. « Ce prix anormalement bas » évoque « des actes relevant du délit d’abus de biens sociaux », dénonçait Stern dans sa plainte.

Troublant, aussi, le fait qu’outre Breton apparaît dans les deux dossiers un autre représentant éminent du monde des affaires : Jean-René Fourtou. Aujourd’hui président du conseil de surveillance de Vivendi Universal, Fourtou occupait, dans les années 90, la présidence de Rhône-Poulenc, la maison mère de Rhodia. A ce titre, il siégeait au conseil de la filiale lors de sa création en 1998. C’est lui aussi qui avait choisi Jean-Pierre Tirouflet, un de ses protégés, pour diriger Rhodia. Pour Hughes de Lasteyrie, financier allié de Stern, Fourtou est l’un des principaux responsables du scandale Rhodia. Rhône-Poulenc a en effet refilé à sa filiale des dizaines de sites pollués sans lui donner les moyens financiers de les décontaminer.

Or le même homme est nommé à la tête de Vivendi à partir de juillet 2002. Soit deux mois avant la vente de Canal + Technologies à un prix bradé à Thomson, alors dirigé par Breton. Tout cela pourrait faire penser à un échange de bons procédés : contre son silence bienveillant en tant qu’administrateur de Rhodia, Breton aurait obtenu une vente au rabais de Canal + Technologies.

Cette hypothèse du renvoi d’ascenseur se nourrit aussi par le fait que les affaires Rhodia et Thomson sont instruites par les mêmes juges. C’est Henri Pons et Jean-Marie D’Huy qui ont récupéré les deux dossiers. Et ils ont dû y réfléchir à deux fois avant d’enchaîner les perquisitions.

© libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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