« Le shadow banking est une espèce d’amibe hors de contrôle »

Mardi 3 novembre 2015

À voix haute

Marc Roche : « Le shadow banking est une espèce d’amibe hors de contrôle »

Correspondant du ‘Point’ à Londres, le spécialiste du ’journalisme d’investigation financière’ se bat contre la finance de l’ombre qui échappe à toute régulation, et par qui viendra la prochaine crise. Illustration ici avec les deux visages de la City.

[…] Les paradis fiscaux, toujours bel et bien présents

Les paradis fiscaux sont à la base du shadow banking. Ce sont les zones de non-droit de la finance internationale où les grandes fortunes peuvent cacher leur richesse via des trusts, où les hedge funds font l’essentiel de leurs transactions à l’abri des regards. Les hedge funds sont certes soumis à une certaine supervision de la part des régulateurs, mais ces derniers sont incapables d’aller voir ce qui se passe dans les îles Caïmans et autres places offshore où les hedge funds réalisent la plupart de leurs transactions.

Force est de reconnaître que les gouvernements continuent de façon bien hypocrite de protéger les paradis fiscaux. Au G20 de Londres en 2009, Gordon Brown avait marqué son intention de combattre ces places offshore. Six ans plus tard, il n’en existe toujours pas moins d’une trentaine avec lesquelles la City fait plus ou moins directement des affaires. Mais les places offshore sous pavillon britannique ne sont pas les seules : sur le continent européen, il y a, pour ne citer qu’elle, Monaco.

Les deux visages de la City

La City a deux visages. D’un côté, le visage amène d’une finance qui a été réglementée et qui est plus transparente en termes de fusions-acquisitions et de bonus ; de l’autre, le visage opaque et toxique de la gestion de fortune, celle par exemple des oligarques russes et des milliardaires chinois dont les affaires sont traitées via les paradis fiscaux de la couronne. Dans le secteur financier, la limitation des bonus se fait sentir. Fini le champagne, les prostituées, la cocaïne… les financiers ne vivent certainement plus sur le train de vie des années 2000, et les mœurs se sont assagies. Il n’en reste pas moins que les bonus continuent à faire vivre une ville comme Londres. Immobilier, art, personnel d’entretien, écoles privées, services de santé privés, etc. : les bonus ont créé une véritable économie parallèle qui fait vivre beaucoup de gens.

Des difficultés du journalisme d’investigation financière

Il est devenu quasiment impossible aujourd’hui de faire du journalisme d’investigation financière. La presse manque de plus en plus de moyens financiers et elle est adossée, particulièrement en France, à des groupes industriels, ce qui interroge son indépendance. Dans le même temps, la communication des banques est devenue soit très restrictive, soit très abondante, mais sur des sujets qui font alors diversion. Lors des interviews, les dirigeants sont accompagnés de leurs communicants – souvent d’anciens journalistes – et de leurs avocats qui contrôlent leur expression. Lire la suite.

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