L’Afrique doit exiger une transparence fiscale de la part des multinationales

Lundi 16 novembre 2015

John Christensen : « L’Afrique doit exiger une transparence fiscale de la part des multinationales »

(Agence Ecofin) - John Christensen est le fondateur de Tax & Justice, une organisation non gouvernementale britannique qui plaide pour une plus grande transparence et effectivité dans la fiscalité transnationale. Alors que les leaders du G20 devraient examiner en Turquie le rapport de l’OCDE sur l’érosion de la base fiscale, John Christensen donne son point de vue sur ce processus et sur ce que l’Afrique est en droit d’attendre ou d’exiger.

Agence Ecofin : Pour la première fois un classement mondial sur la corruption s’intéresse aux pays pourvoyeurs des services facilitant la corruption et votre organisation tax & Justice en est l’auteur. Qu’est ce qui a conduit à la mise en place d’un tel classement ?

John Christensen : Oui le classement sur les pays les plus secrets du monde que nous avons publié la semaine dernière, classe la Suisse parmi les endroits où la plupart des fonds de la corruption dans le monde se retrouvent. Elle occupe donc cette place en raison du secret bancaire qui continue d’y avoir cours et aussi de son refus de partager les informations avec d’autres pays, parmi lesquelles ceux dont les populations sont le plus victimes de la corruption. L’idée derrière ce classement est venue de ce que tout le monde focalisait un peu trop sur le classement des pays selon que leurs dirigeants pillent les richesses publiques ou alors facilitent les flux financiers illicites à travers la corruption. Jusque-là personne n’avait pensé à examiner le cas des pays dont les services bancaires et comptables, sous le prisme du secret, facilitent ces pillages et ces fuites de capitaux et aussi abritent les produits de ces crimes financiers. Donc, de notre point de vue, la corruption était perçue sous le mauvais angle. On n’a jamais pensé à l’examiner sous l’angle des services qui lui permettent de prospérer. Lorsqu’on s’y est intéressés, on a pu réaliser que des pays très puissants comme les Etats-Unis d’Amérique ou encore l’Allemagne et la Grande Bretagne possèdent des régulations financières qui sont de nature à faciliter la dissimulation des fonds parfois acquis de manière illicites et mais aussi de cacher l’identité de leurs auteurs. Dans l’opinion générale, lorsqu’on parle des paradis fiscaux, les gens voient tout de suite les Îles Caïmans ou encore les Bahamas, personne ne se rend compte, que ces grands pays sont tout aussi dangereux. Nous avons donc voulu mettre cela sous les feux des projecteurs, afin tout le monde sache que ces pays, à travers leurs lois, favorisent la dissimulation des biens issues de la corruption.

Agence Ecofin : On note aussi que ces pays sont en tête de peloton dans le cadre des discussions menées par l’OCDE, qui a d’ailleurs posé sur la table des leaders du G20, des propositions pour lutter contre les flux financiers illicites, via l’érosion de la base fiscale (BEPS). Comment interpréter cette position, au regard de votre classement qui montre qu’ils sont plutôt complices de cela ?

John Christensen : C’est toujours extraordinaire, lorsqu’on réalise que personne n’y a vraiment prêté attention durant toutes ces années. La question des paradis fiscaux est évoquée depuis plusieurs années déjà, notamment dans la presse internationale. Mais personne ne s’est jamais arrêté un instant pour dire, pourquoi les politiciens ne se décident pas à y mettre un terme définitif. Ou alors celle de savoir pourquoi, lorsque les actions sont prises, elles s’avèrent ne produire aucun effet. L’organisation pour la coopération et le développement (OCDE), un think tank au service des pays riches, travaille depuis pas mal de temps sur la question mais on n’avance pas.

Ce sont pourtant des gens intelligents et cela nous amène à penser qu’ils ne souhaitent pas qu’une solution soit réellement trouvée à ce problème. Lire la suite.

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