Biens mal acquis - Congo : la Suisse entre dans la danse

Mercredi 10 février 2016

Actualité Economie

Le Point Afrique - Publié le 10/02/2016 à 14:41

Biens mal acquis - Congo : la Suisse entre dans la danse

Autrefois refuge des pires cleptomanes du monde entier, Berne s’achète une virginité. En ligne de mire, un Français, Philippe Chironi, apparemment lié au clan du président congolais Sassou Nguesso.

Par notre correspondant à Genève, Ian Hamel

Certains dirigeants peu scrupuleux doivent commencer à regretter le bon temps où les banques helvétiques accueillaient à bras ouverts des valises de billets, tout en fermant les yeux et en se bouchant le nez. La légende raconte que les petites mains dans les établissements financiers, las de compter inlassablement les francs CFA, préféraient peser les billets… Aujourd’hui, non seulement la justice suisse accorde son entraide à la France dans le dossier des « biens mal acquis » concernant le Congo-Brazzaville, mais le Ministère public de la Confédération ouvre sa propre enquête pour « soupçon de blanchiment d’argent aggravé ». Ce qui veut dire que des proches du président Denis Sassou-Nguesso auront peut-être aussi des comptes à rendre à Berne. Bref, la Suisse n’est plus un paradis fiscal.

Le fils du président mis en cause

La semaine dernière, Le Point Afrique révélait que le président congolais portait plainte pour tentative d’escroquerie au jugement dans l’affaire dite « des biens mal acquis » qui l’oppose à l’association Transparency International. Il serait intéressant de savoir si Denis Sassou-Nguesso a pris également connaissance du dossier concocté par l’ONG la Déclaration de Berne intitulé « Un contrat raffiné », évoquant « les arrangements douteux de la société suisse de négoce Philia au Congo ». Un contrat particulièrement juteux signé par Denis Christel Sassou-Nguesso, le fils du président, administrateur général de la Congolaise de raffinage (Coraf).

Des sociétés dans le canton de Vaud

Évoquant le trading pétrolier dans son ensemble, la Déclaration de Berne citait les noms de Lucien Ebata, à la tête de la société Orion Oil & Gas Group, domiciliée en Suisse, et fondateur du mensuel Forbes Afrique. Derrière Lucien Ebata se profile le Français Philippe Chironi, directeur de la société Afrique Medias Holding et d’Orion, installées à Chavannes-de-Bogis. « Depuis qu’elle est dans le collimateur de la justice, la famille Sassou-Nguesso prend davantage de précautions en passant par des personnes extérieures au clan, en apparence moins exposées politiquement, pour mener des transactions financières », constate Marc Guéniat, de la Déclaration de Berne.

60 millions d’origine illicite

Selon un document émanant de l’Office central pour la répression de la grande délinquance Financière, dont Le Point Afrique a pu prendre connaissance, Philippe Chironi, domicilié sur les bords du lac Léman, aurait ouvert plusieurs comptes bancaires dans la petite République de San Marin, enclavée en Italie, aux noms de sociétés domiciliées à Maurice, aux Seychelles, îles Marshall, Hong Kong. « Des transactions pour plusieurs millions d’euros ont été effectués (60 millions d’euros), dont l’origine pourrait être illicite. Ces fonds pourraient en effet provenir de délit de corruption commis en Afrique (Congo Brazzaville et Congo plus précisément) », écrit la direction générale de la police nationale.

Blanchiment d’argent aggravé

Certes, le ministère français de l’Intérieur utilise le conditionnel, mais apparemment, les éléments transmis par la cellule de renseignements de San Marin (décidément, les paradis fiscaux ne sont plus ce qu’ils étaient) et par la France ont convaincu le Ministère public de la Confédération, non seulement d’accorder l’entraide pénale, mais d’ouvrir, lui-même, une instruction pénale, comme nous l’a confirmé Berne, ce lundi 8 février. « L’instruction pénale est menée pour soupçon de blanchiment d’argent aggravé », précise le Ministère public. Le Point Afrique a tenté de joindre Philippe Chironi dans l’une des multiples sociétés, toutes domiciliées au chemin des Chalets à Chavannes-de-Bogis. Il n’a pas été possible de lui parler.

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