Pour conserver son influence, la City veut rester en Europe

Mardi 23 février 2016

Pour conserver son influence, la City veut rester en Europe

LE MONDE ECONOMIE | 18.02.2016 à 11h21 • Mis à jour le 23.02.2016 à 10h23 | Par Eric Albert (Londres, correspondance)

[…] La City était au cœur des négociations menées par le premier ministre David Cameron afin d’éviter un « Brexit » (« British Exit ») et qui se sont traduites par un accord lors du sommet européen des 18 et 19 février. Elle le sera encore lors du référendum du 23 juin. Défendre le centre financier est considéré comme essentiel par le premier ministre britannique.

Pour cela, il peut s’appuyer sur les lobbys financiers, qui prônent tous de rester dans l’Union européenne (UE). Outre la corporation de la City de M. Boleat, la Confederation of British Industry (CBI), principal groupe patronal, CityUK, un autre représentant du centre financier, l’Institute of Directors ou encore les chambres de commerce britanniques sont arrivés à la même conclusion : mieux vaut rester au sein des Vingt-Huit.

Il ne faut pourtant pas s’y méprendre. Il ne s’agit pas d’un élan proeuropéen. Le principal argument en faveur d’un maintien au sein de l’UE est qu’il vaut mieux l’influencer de l’intérieur que la subir de l’extérieur. Andrew Formica, le patron d’Henderson, une grosse société de gestion, le reconnaît sans détours : « Le défi pour nous, les gestionnaires d’actifs, est d’avoir notre mot à dire sur la régulation financière. Si nous sommes à l’extérieur, nous n’aurons pas de voix au chapitre, nous n’aurons pas d’influence. »

« Inacceptable »

Pour cette raison, dans ses négociations européennes, le premier ministre britannique veut arracher de ses partenaires un droit de regard du Royaume-Uni sur la zone euro. Il craint que les pays de la monnaie unique n’imposent leurs propres règles de leur côté, sans que Londres ne puisse réagir. Mais ce droit de regard risque de ressembler étrangement à un droit de veto offert au centre financier britannique. « Comme toujours, ils veulent un veto mais pas suivre les règles européennes », s’agace un banquier français, en poste à Londres depuis deux décennies.

« Inacceptable », a rétorqué Paris. Pour tenter de dénouer la situation et trouver un compromis de dernière minute, M. Cameron a dû se précipiter lundi soir à l’Elysée. Il est ressorti un peu plus serein de sa rencontre avec François Hollande. « Une base ferme pour trouver un accord » est en place, affirme-t-il. Dans la plus grande tradition européenne, un compromis alambiqué de juristes, permettant à chacun d’y lire ce qu’il souhaite, devrait être finalement trouvé.

Des hedge funds plus offensifs

Cette attitude majoritairement tiède sur les avantages du club européen explique l’existence d’un deuxième camp à la City, beaucoup plus bruyant : les partisans du « Brexit ». On y trouve notamment les gérants de hedge funds, qui s’agacent des réglementations et flirtent avec une pensée libertaire. Eux sont à Londres parce que c’est l’un des plus grands centres financiers au monde. Il n’y a pas meilleur endroit pour lever des fonds, trouver des petits génies des marchés et imaginer des montages fiscaux dans les territoires d’outre-mer britanniques. En revanche, l’Europe ne leur apporte aucun avantage.

Roger Bootle, qui dirige le cabinet d’économistes Capital Economics, fait partie des féroces partisans du « Brexit » . Selon lui, si le passeport financier est effectivement une bonne chose, l’UE représente beaucoup plus d’inconvénients. Il rappelle par exemple le plafonnement des bonus des banquiers, à 200 % du salaire de base, qui a été imposé par les Vingt-Huit. « Le Royaume-Uni a perdu cette bataille, mais si nous quittions l’UE, nous pourrions annuler ce plafonnement et ainsi renforcer l’activité financière à Londres », a-t-il écrit dans sa chronique hebdomadaire du Daily Telegraph. Une façon comme une autre de dire : sortez du joug de Bruxelles et vous vous en mettrez plein les poches… Pour lui, l’Union européenne est un complot qui veut écraser la City. « Chez les élites françaises en particulier, mais aussi à travers tout le continent, il existe une aversion profonde envers l’industrie des services financiers », estime-t-il.

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