Les « détenteurs de comptes offshore » dorment désormais d’« un sommeil troublé »

Vendredi 8 avril 2016

Les « détenteurs de comptes offshore » dorment désormais d’« un sommeil troublé »

Alain Deneault.

Trois conséquences importantes découlent de la révélation des dossiers de la firme panaméenne spécialisée dans la délocalisation d’actifs, Mossack Fonseca.

D’abord, le fonctionnement même du secret bancaire se voit entamé. Le cas du jour a beau n’être qu’un simple coup de sonde dans les affaires offshore comptabilisées en dizaines de milliers de milliards de dollars, il s’additionne aux fuites révélées également par le Consortium international de journalistes d’investigation sur les largesses réglementaires du Luxembourg, puis celles concernant les clients de la Banque HSBC en Suisse, sans parler des contribuables allemands liés à diverses institutions financières du Liechtenstein ou les clients canadiens de KPMG à l’île de Man…

Cette série de révélations trouble désormais le sommeil de titulaires de comptes qui dissimulent leur fortune dans les paradis fiscaux, et embarrasse les entreprises qui y mènent des opérations occultes. Désormais, nulle part le secret bancaire ne les couvre assurément. Peu importe leur motivation, des agents de l’industrie offshore sont susceptibles aujourd’hui d’orchestrer des fuites massives.

Le secret, et par conséquent l’impunité, ne sont pas aussi étanches qu’à l’époque où, dans les années 1960, l’avocat canadien Jim MacDonald renforçait à l’absurde le droit pénal des îles Caïmans pour rendre impossible en droit la divulgation de quelques données à un tiers dans toutes les circonstances imaginables. À la même époque, il crée MacDonald et Maples, un cabinet comparable à celui de Mossack Fonseca notamment pour conseiller les futurs États complaisants dans l’élaboration de nouvelles dispositions légales.

Ensuite, les « Panama papers » consolident la prise de conscience dont font preuve à la fois les grands médias internationaux qui couvrent d’emblée ces cas sur un plan international ‒ car c’est bien à cette échelle qu’ils trouvent leur sens ‒ et le public qui voit dans tant de dossiers choquants une explication fondamentale à tous ces budgets de rigueur et d’austérité que votent année après année, à leur détriment, des gouvernements désargentés.

Principale lessiveuse de fonds

D’aucuns comprennent que si les services hospitaliers sont déficients, la culture sous-financée, la justice inaccessible, les services sociaux amputés et l’État absent d’un projet de relance concerté du pouvoir d’achat et de la transition énergétique, c’est à cause des paradis fiscaux.

Enfin, l’existence d’autant de dossiers sulfureux au Panama est l’occasion de rappeler à quel point les États de droit se sont montrés nonchalants envers ce pays ces dernières décennies.

Pourtant, on sait qu’il représente la principale lessiveuse de fonds issus du narcotrafic d’Amérique du Sud. Sa zone franche de Colón n’existe pratiquement qu’à cette fin.

Le Canada partage complaisamment son siège dans les instances de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international avec onze paradis fiscaux des Caraïbes.

Les Français se souviennent également, depuis la marée noire qui a massivement pollué les côtes bretonnes au tournant du XXIe siècle, que c’est en raison du caractère ultra-permissif des lois panaméennes en matière de transport maritime que s’y sont incorporées des entités liées à l’Erika. Et pourtant, rien n’a été fait.

Après avoir cherché à stigmatiser cet État en l’inscrivant dans ses « listes noires » en 2000 puis en 2009, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l’a blanchi au moindre prétexte en le retirant des listes. Parmi les pays qui entretiennent à son égard une forme d’aveuglement volontaire, le Canada est le mieux engagé. Il a signé, en 2010, avec le Panama un accord de libre-échange qui est entré en vigueur trois années plus tard, et qui intègre pour ainsi dire son économie à celle, criminogène, de son partenaire.

Le Canada a cherché par ce traité à « augmenter substantiellement les possibilités d’investissement au Canada » de façon à y attirer inexorablement des fonds recyclés.

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