Berne intensifie son enquête dans un scandale de corruption en Malaisie

Mardi 12 avril 2016

Berne intensifie son enquête dans un scandale de corruption en Malaisie

Lutte anti-blanchiment Des financiers sont visés, cette fois à Abu Dhabi. Le rôle du groupe Edmond de Rothschild a été révélé il y a une semaine par la télévision française.

La Suisse étend son enquête pénale sur les détournements de fonds commis au détriment de 1Malaysia Development Berhad (1MDB) – une société en charge de la gestion du patrimoine de l’État malaisien. Tentaculaire et affichant de nombreuses ramifications en Suisse, ce scandale porte sur 4 milliards de dollars.

Une semaine après les nouveaux éléments apportés par les révélations de presse dites des « Panama Papers », le Ministère public de la Confédération (MPC) a annoncé mardi la mise en prévention de deux anciens responsables d’un autre fonds souverain, celui d’Abu Dhabi. Les chefs d’inculpation visant ces derniers vont de l’« escroquerie » au « blanchiment » en passant par la « gestion déloyale des intérêts publics », les « faux dans les titres » ou la « corruption d’agents publics ».

Les services du procureur général Michael Lauber ont par ailleurs annoncé mardi avoir demandé leur entraide aux autorités judiciaires du Luxembourg et de Singapour sur cette affaire.

Refusant de donner davantage de détails sur l’enquête en cours en Suisse, le parquet fédéral précise cependant que ces dernières étapes de la procédure sont « antérieures aux révélations des Panama Papers » et donc « sans lien avec elles ».

Un demi-milliard à Luxembourg

Cette accélération du tempo des enquêteurs fédéraux coïncide pourtant avec les nouveaux éléments sur l’affaire dévoilés la semaine dernière par la chaîne France 2. Se basant sur une fuite massive de fichiers d’un cabinet spécialisé dans la constitution de société offshore – la firme Mossack Fonseca à Panama – ainsi que sur un document interne à la banque, les enquêteurs de l’émission « Cash Investigation » ont révélé qu’une partie des fonds détournés en lien avec ce scandale avait été déposée au sein de la filiale luxembourgeoise du groupe genevois Edmond de Rothschild (Suisse) S.A.

Leur bénéficiaire, masqué par une cascade de sociétés paravents est l’ancien responsable de l’IPIC, firme chargée d’investir la manne pétrolière d’Abu Dhabi.

Le lien avec la Malaisie ? L’homme est soupçonné d’avoir perçu une partie des 1,4 milliard de dollars détournés à l’occasion du dénouement d’un gros contrat avec le fonds souverain malais 1MDB. Selon les pièces obtenues par « Cash Investigation », ce financier émirati en vue – qui a dû quitter son poste fin 2015 en raison de ces accusations – aurait caché 472 millions de dollars à Luxembourg chez Edmond de Rothschild (Europe).

Ces dépôts auraient été rendus possibles grâce à l’appui du patron de cet établissement, montre un enregistrement réalisé à l’insu de ce dernier et obtenu par France 2. « Houlala je te jure, son argent il ne le voyait plus, c’était tout bloqué » répond le banquier à un correspondant lui demandant ce qu’il serait advenu de cette manne si elle avait été amenée dans une autre banque, par exemple HSBC à Genève. Ce directeur général a dû quitter ses fonctions en août dernier.

Enquête pour « blanchiment » au Luxembourg

Le parquet luxembourgeois a ouvert il y a quinze jours une information judiciaire contre X pour blanchiment de fonds. Contacté à Genève, le groupe Edmond de Rothschild refuse de commenter cette affaire, répétant que son entité luxembourgeoise « collabore activement à la procédure judiciaire en cours au Luxembourg ».

Invoquant le secret de l’instruction, le Ministère public Suisse de la Confédération refuse de son côté de préciser si une enquête a été ouverte, en Suisse, sur les agissements au sein du groupe Edmond de Rothschild.

Le nouveau volet de cette enquête à tiroirs annoncé mardi par les procureurs fédéraux vient compléter celle ouverte le 14 août 2015 et visant alors deux responsables du fonds souverain de la Malaisie. Portant sur des soupçons de corruption et de blanchiment, la procédure a déjà donné lieu au gel de dizaines de millions de francs dans des plusieurs banques helvétiques.

Kuala Lumpur fait le ménage

Ce nouveau rebondissement intervient moins d’une semaine après que l’autorité de tutelle du secteur bancaire, la FINMA, a appelé les établissements à se montrer « plus courageuses » pour rapporter les cas suspects de blanchiment d’argent, pointant que les risques s’étaient accrus avec leur expansion dans les pays émergents.

De son côté la Malaisie a décidé il y a quelques jours que le fonds souverain 1MDB serait vidé de la plupart de ses actifs – afin d’honorer ses dettes – puis dissous. Un rapport parlementaire réclame l’abolition du conseil de surveillance du fonds, présidé par le Premier ministre du pays Najib Razak, et déclare que l’ancien directeur général de 1MDB, Azral Ibrahim Halmi, fera l’objet d’une enquête.

A noter enfin qu’un député de l’opposition malaisienne a été inculpé pour avoir révélé des informations confidentielles touchant à ce scandale 1MDB.

(24 heures)

(Créé : 12.04.2016, 21h22)

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