Envie d’évasion fiscale ? Faites le tour de Londres

Jeudi 12 mai 2016

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Envie d’évasion fiscale ? Faites le tour de Londres

Par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres — 11 mai 2016 à 20:11

Alors qu’un sommet anticorruption s’ouvre jeudi dans la capitale, une organisation propose la visite en bus des luxueuses maisons des oligarques de l’Est.

Au bout du quai, le long de la Tamise, Big Ben fait le guet. A quelques mètres de là, un groupe de touristes fourbit ses appareils photos avant de s’engouffrer dans un bus noir. Mais ces touristes n’embarquent pas pour une découverte des points phares de la capitale britannique. En fait, ils ne sont même pas de véritables touristes. Ils sont journalistes, activistes, universitaires, voire politiques - ce jour-là, une baronne est même présente, membre du parti libéral-démocrate et des Lords, la chambre haute du Parlement.

Ils s’apprêtent à participer au « Kleptocracy Tour », une balade dans un autre monde, celui des appartements et maisons (ou plutôt manoirs), propriétés des très très riches. Des adresses situées dans les quartiers les plus huppés de Londres, ceux où circulent plus de Ferrari, Lamborghini et Porsche que de voitures « normales ». Un monde où les identités restent floues, où l’argent qui sert à acheter ces propriétés n’est pas forcément sale, mais rarement totalement propre. Les « Kleptocracy Tours », lancés il y a quelques mois par ClampUK.org, une organisation de lutte contre la corruption, cherchent à mettre en lumière un système nébuleux de blanchiment d’argent, opéré grâce à des investissements massifs dans le parc immobilier londonien.

« Persécutions »

Alors que s’ouvre ce jeudi à Londres un sommet international sur la corruption, l’intérêt pour ces visites touristiques d’un autre genre a décuplé. En mars, le Sunday Times publiait sa « Rich List » annuelle : un répertoire des plus grandes fortunes au Royaume-Uni. Et sans surprise, Londres restait la capitale des plus riches du monde. Elle compte 77 milliardaires, plus que n’importe quelle autre ville au monde. Et les plus riches de ces très très riches sont ceux qui ont investi dans l’immobilier. Dans le bus qui avance sous une pluie battante, Roman Borisovich empoigne le micro et expose sa définition d’une « kleptocratie ». « C’est un pays dirigé par le désir de l’enrichissement personnel, aux dépens du respect de la loi », un pays dont « l’élite utilise la corruption pour augmenter sa fortune personnelle et son pouvoir politique ».

Roman Borisovich n’est pas vraiment non plus un guide touristique mais un dissident russe. Après un début de carrière dans la banque, à New York et à Londres, il devient en 2007 directeur financier de Rossgrostakh, une des plus grosses compagnies d’assurances russes. De retour à Moscou, il est « horrifié par l’érosion de l’économie nationale et de la société due à une corruption à large échelle ». En 2011, il prend la décision de soutenir l’activiste et opposant Alexeï Navalny et sa Fondation anticorruption. « Et puis, en 2012, après le retour à la présidence de Vladimir Poutine, j’ai été forcé de quitter la Russie, en raison des intimidations et persécutions », raconte-t-il. Depuis, il lutte, depuis Londres, contre une forme de corruption particulière, « le blanchiment d’argent à travers les investissements massifs dans des parcs immobiliers à Londres ».

Société offshore

Ces investissements se font via des paradis fiscaux qui permettent de garder le mystère sur les propriétaires réels. Selon l’organisation Transparency International, 36 342 propriétés à Londres, sur une surface de 5,7 km2, sont aux mains de sociétés écrans, situées dans des paradis fiscaux. Et les propriétaires de 10 % des propriétés situées dans le quartier central de Westminster sont inconnus. A l’heure actuelle, 75 % des propriétés britanniques qui font l’objet d’une enquête liée à des faits de corruption sont enregistrées dans des paradis fiscaux. Lire la suite.

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