Grèce. Fin de partie pour les évadés fiscaux

Jeudi 28 juillet 2016

Grèce. Fin de partie pour les évadés fiscaux

Thomas Lemahieu

Mercredi, 27 Juillet, 2016 L’Humanité

Inimaginable pendant si longtemps, la lutte contre l’« argent noir » bat son plein à Athènes. Elle reste l’une des dernières cartes de Tsipras.

Malgré les vents contraires qui soufflent violemment depuis que le gouvernement Tsipras a dû, sous le chantage des créanciers, avaler un énième mémorandum austéritaire l’été dernier, l’air n’est peut-être plus aussi vicié qu’auparavant en Grèce. Signe des temps, cette perquisition survenue le 4 juillet au domicile de Christos Sclavounis, un ex-dirigeant de la filiale locale d’investissement de la puissante banque suisse UBS. Menant une enquête sur plusieurs dossiers d’évasion fiscale, les policiers ont saisi du matériel informatique et des documents. L’homme visé dans cette procédure n’est pas totalement inconnu à Athènes. En 2013, il avait été nommé par Antonis Samaras, le premier ministre Nouvelle Démocratie (ND, droite), à la tête du Fonds grec de stabilité financière, chargé de renflouer les banques avec l’argent de la dette publique. En mars 2015, deux mois après la victoire triomphale de Syriza, il avait abandonné son poste et, ces dernières semaines, il avait repris du service aux côtés de Kyriakos Mitsotakis, le nouveau patron du parti désormais dans l’opposition, pour élaborer son programme. Aujourd’hui, tout en quittant immédiatement ses responsabilités au sein de la ND, Christos Sclavounis s’insurge contre la « calomnie », rappelant dans les médias grecs qu’aucune poursuite n’est engagée contre lui.

Tout l’argent de la Grèce envolé vers Genève ou Zurich

Révélée par le Financial Times il y a quelques jours, l’affaire n’en demeure pas moins extrêmement symbolique. Toujours prompte à défendre le secteur bancaire, la presse dominante suisse parle d’une « razzia » policière et s’émeut en pointant les « relents politiques » de la perquisition, mais elle omet consciencieusement une partie du tableau… Selon le Financial Times, Bradley Birkenfeld, un ex-employé d’UBS aux États-Unis, a été approché par les autorités fiscales et judiciaires grecques, soucieuses de bien comprendre les mécanismes d’évasion fiscale proposés par la banque suisse. Une rencontre à l’ambassade de Grèce à Washington a été organisée. « Tout le monde sait que les clients ne vont pas en Suisse pour acheter du chocolat, rapporte le lanceur d’alerte au quotidien économique. Pourquoi la Grèce est-elle dans un état désastreux sur le plan économique ? C’est simplement parce que tout l’argent est à Genève et à Zurich ! »

La lutte contre l’évasion fiscale, c’est l’une des cartes que le gouvernement Tsipras a encore dans son jeu. Et il ne se prive pas de l’utiliser, à la différence des dirigeants précédents, qui, du Pasok ou de la Nouvelle Démocratie, rechignaient à s’attaquer à leur clientèle électorale. Depuis la fin de l’année dernière, la justice et les services fiscaux dans la capitale grecque travaillent sur des dossiers transmis, début 2015, par l’administration du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne). Ces documents qui ont été achetés par les autorités allemandes comportent une liste de 10 588 comptes des personnes privées ou d’entreprises grecques disposant de comptes dans les banques suisses. À la fin de l’année dernière, une première perquisition avait déjà eu lieu au siège de l’UBS à Athènes afin d’identifier les détenteurs de près de 200 comptes.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsipras, les scènes inédites se multiplient, à partir de la « liste Borjan » – du nom du ministre des Finances du Land allemand qui a livré les informations à la Grèce – ou des inventaires émanant des documents révélés par Hervé Falciani sur les comptes chez HSBC. C’est Leonidas Bobolas, représentant d’une très puissante famille d’oligarques, président d’un empire de la construction et propriétaire de la société d’autoroutes de l’Attique, qui est arrêté « en flagrant délit » d’évasion fiscale au printemps 2015 et qui ne s’en sort qu’en payant sur-le-champ une amende de près de 2 millions d’euros. Ou encore Stavros Papastavrou, membre du cabinet du premier ministre Antonis Samaras, chargé de négocier les conditions du plan de sauvetage de la Grèce avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), titulaire d’un compte secret chez HSBC doté de près de 5 millions d’euros, qui a fini, en février dernier, par verser près de 3 millions d’euros au fisc grec, quelques semaines avant que son nom apparaisse dans les Panama Papers comme responsable de plusieurs sociétés offshore… Lire la suite.

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