La saga des grandes fortunes qui fraudent le fisc

Vendredi 2 septembre 2016

La saga des grandes fortunes qui fraudent le fisc

David Bensoussan Publié le 01-09-2016 à 15h59

Le verdict du procès de Serge Dassault pour blanchiment de fraude fiscale a été repoussé au 28 novembre. Une bataille judiciaire symbolique du difficile combat contre la fraude des riches contribuables.

Encore un rebondissement de dernière minute dans le feuilleton Dassault. Alors qu’un verdict était attendu en début d’après-midi à l’issue de son procès pour blanchiment de fraude fiscale, le tribunal a demandé un supplément d’information afin notamment d’entendre Gérard Limat, le comptable suisse de l’avionneur. Ce dernier était un rouage essentiel du vaste système de fraude mis en place par Marcel Dassault et maintenu par son fils Serge jusqu’à ce qu’il régularise sa situation en 2014. Il reposait sur l’utilisation active de paradis fiscaux : la cinquième fortune de France a caché jusqu’à 31 millions d’euros sur des comptes non déclarés au Liechtenstein, détenus par des fondations, et un autre au Luxembourg via une société immatriculée aux Iles Vierges !

Il faudra désormais attendre le 28 novembre pour connaitre le sort de Serge Dassault. Le parquet national financier a requis deux ans de prison avec sursis, 9 millions d’amende et surtout cinq ans d’inéligibilité. Une peine qui ne serait toutefois appliquée seulement lorsque le sénateur de 91 ans aura épuisé toutes ses voies de recours (appel et cassation). Une longue bataille judiciaire donc, qui illustre les difficultés à lutter contre la fraude fiscale des grandes fortunes.

Les Mulliez et les Wildenstein dans le viseur

L’industriel est, en effet, loin d’être le seul riche contribuable dans le collimateur de la justice. En mai, la police fiscale a mené des perquisitions dans le village belge frontalier de Néchin, rue de la Reine-Astrid, surnommée la « rue des Mulliez », troisième famille la plus riche de France. La propriété visée appartient à Patrick, fondateur de Kiabi, soupçonné d’abus de confiance et de blanchiment de fraude fiscale. Le 22 septembre, ce sera au tour du richissime marchand d’art Guy Wildenstein d’être jugé pour fraude. Au-delà de ces trois exemples, des centaines de fortunes cachées à l’étranger ont émergé depuis les révélations de la liste HSBC en 2009 jusqu’à celles des « Panama papers » en avril.

[…] Sociétés écran panaméennes

Les plus gros montants auraient été cachés dans des banques suisses qui n’ont pas été inquiétées par la justice française, à l’inverse des géants HSBC et UBS. Des comptes souvent détenus à travers des sociétés-écrans. "La complexité vient du nombre de structures intercalées, qui croît généralement avec la taille de la fortune, explique Maïté Gabet, qui pilote la direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF), l’unité d’élite du fisc, chargée de traquer les abus des riches contribuables et des people. Le but est de semer l’administration en la forçant à multiplier les demandes d’assistance à l’étranger."

Maïté Gabet pointe l’utilisation de sociétés panaméennes, intercalées entre le compte suisse et son détenteur, afin de cacher l’identité de ce dernier : "On n’a pas découvert Panama avec les “Panama papers” !" Epinglés sur la liste HSBC, Jacques Dessange, fondateur des salons de coiffure éponymes, ou la famille Ouaki, à l’origine de Tati, y ont ainsi eu recours. C’est aussi le cas d’Arlette Ricci, la petite-fille de la couturière Nina Ricci. La justice a découvert qu’elle détenait, via la société Parita, neuf comptes suisses, créditeurs de 16,7 millions d’euros en 2007. Elle a été condamnée en 2015 à trois ans de prison dont un ferme, et à verser au fisc 10,5 millions ; elle a fait appel.

Trusts anglo-saxons

Autre montage opaque privilégié par les grandes familles : les trusts. Ces montages anglo-saxons permettent de transférer la propriété de ses biens à un trustee chargé de les gérer au profit de bénéficiaires. « Ces coquilles juridiques sont souvent situées dans des paradis fiscaux, et on n’a aucun moyen de les identifier si on ne nous les signale pas », témoigne un agent du fisc. Il aura ainsi fallu une querelle familiale pour trouver les trusts logés dans les îles Anglo-Normandes et aux Bahamas par feu Daniel Wildenstein, le père de Guy. Ils renfermaient de nombreux biens « oubliés » lors de la succession : une propriété de plus de 30.000 hectares au Kenya, une autre dans les îles Vierges, des bâtiments prestigieux à New York, des chevaux et des centaines de tableaux de Bonnard, Courbet ou Picasso… Du coup, Guy et les autres héritiers se sont vu imposer un redressement record de 550 millions ! Lire la suite.

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