Un compte Cahuzac en Suisse aurait servi à Rocard

Lundi 5 septembre 2016

Un compte Cahuzac en Suisse aurait servi à Rocard

France L’ex-ministre du Budget a déclaré ce lundi que le premier compte qu’il avait fait ouvrir sur sol suisse était destiné « au financement d’activités politiques » au profit de Michel Rocard.

A l’ouverture de son procès pour fraude fiscale à Paris, près de quatre ans après un retentissant scandale, l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a lâché une bombe lundi : son premier compte ouvert en Suisse en 1992 a servi à « financer » le courant politique de Michel Rocard. C’est la première fois qu’il affirme que ce compte ouvert à la banque genevoise UBS par un intermédiaire va servir « pendant sept mois, de novembre 1992 à mai 1993 » à un financement politique.

« Ce compte, c’est du financement d’activités politiques pour un homme dont j’espérais qu’il aurait un destin politique national », a déclaré le ministre déchu. « Je suis certain que Michel Rocard ignorait tout », a-t-il ajouté, refusant de donner le nom de ses interlocuteurs au sein de l’équipe de l’ex-Premier ministre socialiste, décédé le 2 juillet.

Jugé pour avoir dissimulé un compte à l’étranger alors qu’il était chargé du redressement fiscal de la France, Cahuzac mesure son effet. La salle est saisie, dans l’attente d’explications.

Le chirurgien, amateur de golf, se replonge dans le passé. En mai 1991, il vient de quitter le cabinet du ministre de la Santé Claude Evin. Il débute ses activités de chirurgien esthétique, se lance dans le conseil et s’engage politiquement « auprès de l’équipe Rocard ».

Laboratoires Pfizer

A l’époque, le financement des partis politiques commence à être régulé en France, notamment par la loi Rocard de 1990. « Il m’est dit que la seule façon d’aider ne peut être que de façon occulte et parallèle. Il m’est dit : pourquoi pas, mais pas en France. J’avais compris. Je vais voir certains responsables de laboratoires » pour solliciter des financements, a raconté l’ancien ministre.

Jérôme Cahuzac a précisé que « deux versements des laboratoires Pfizer » avaient été effectués en 1993 sur ce premier compte ouvert en Suisse par l’avocat Philippe Péninque, proche de l’extrême droite.

Un brin agacé, le procureur Jean-Marc Toublanc demande au prévenu s’il a menti au juge d’instruction ou au tribunal. « Je n’ai pas menti au tribunal », répond le « paria » de la République.

Cash en pleine rue

A 64 ans, Jérôme Cahuzac comparaît pour fraude fiscale et blanchiment ainsi que pour avoir « minoré » sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en 2012.

C’est le procès d’un homme aux multiples visages enferré dans ses secrets : Cahuzac, le ministre qui bataillait pour le redressement de l’Etat, pendant que « Birdie » avait un compte en Suisse et se faisait livrer du liquide dans la rue.

Sa démission en mars 2013, puis ses aveux en avril, ont fait tanguer le gouvernement, puis conduit à la création d’un parquet national financier et d’une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Il encourt, avec son ex-épouse, Patricia Ménard, également jugée pour fraude fiscale et blanchiment, une peine maximale de sept ans de prison et un million d’euros d’amende. A leurs côtés, comparaissent pour blanchiment leurs ex-conseillers, le banquier suisse François Reyl et l’ex-avocat Philippe Houman.

A l’ouverture du procès en février, les Cahuzac avaient tenté d’échapper aux poursuites pour fraude, dénonçant une « double peine » alors qu’ils avaient déjà accepté un redressement fiscal majoré de 2,3 millions d’euros. Mais le Conseil constitutionnel a validé en juin le cumul des poursuites.

Le président revient sur le récit de la saga politico-judiciaire. Que se passe-t-il après 1993 ?

UBS puis Reyl

Après la déroute socialiste aux législatives de 1993, Cahuzac « arrête tout ». Demande à ses contacts « quoi faire » et obtient pour réponse : « Tu ne bouges pas, on te dira. On ne m’a jamais dit ».

Il reconnaît que le second compte, ouvert en 1993 en son nom propre à l’UBS, et qui sera transféré chez Reyl, a servi en 2000 et 2001 à recueillir « le fruit de (son) travail » de chirurgien à l’étranger.

Poussé par le président, il raconte cette effroyable « solitude » quand l’affaire éclate. « Plus une poignée de main, plus de tape sur l’épaule ».

Pourquoi avoir continué à nier ? « Je sais que si la vérité est révélée, ma vie est détruite. Quand on a beaucoup travaillé, fait beaucoup de sacrifices, on résiste. C’est assez humain, me semble-t-il ».

« J’ai fait du mal. J’en suis conscient (…) Après les aveux, j’ai décidé de tout prendre sur moi », ajoute-t-il. Il nie par ailleurs toute activité de lobbying pour les laboratoires, défend sa passion de la politique.

Le procès reprendra mercredi matin.

(afp/nxp)

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