Au tour d’Engie de tomber dans les griffes de Margrethe Vestager

Mardi 20 septembre 2016 — Dernier ajout samedi 3 juin 2017

Au tour d’Engie de tomber dans les griffes de Margrethe Vestager

L’entreprise, en partie propriété de l’État français, aurait bénéficié des largesses fiscales illégales du Luxembourg

20 septembre 2016 | Clément Zampa - Agence France-Presse à Bruxelles | Actualités économiques

Bruxelles soupçonne le groupe énergétique Engie, dont l’État français possède un tiers du capital, d’avoir organisé deux montages financiers pour échapper en partie à l’impôt au Luxembourg, avec la complicité du Grand-Duché. La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie.

« La Commission craint que plusieurs décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg aient potentiellement conféré à GDF Suez [devenu entre-temps Engie] un avantage injustifié par rapport à d’autres sociétés, en violation des règles de l’UE relatives aux aides d’État », a-t-elle expliqué lundi dans un communiqué.

Cette enquête vise plus précisément des accords fiscaux passés depuis septembre 2008 par le Luxembourg avec GDF Suez, à propos de deux transactions financières menées en 2009 et en 2011 à l’intérieur du groupe. « Il semble qu’une part significative des bénéfices enregistrés par GDF Suez au Luxembourg par l’intermédiaire de ces deux montages ne soit pas imposée du tout », constate la Commission. « Si cela devait se confirmer, cela voudrait dire que GDF Suez a bénéficié d’une aide d’État illégale », conclut-elle.

Contacté par l’AFP, le groupe énergétique dit prendre note de l’ouverture de la procédure, qui « ne préjuge en rien de la décision finale ». « Engie s’engage à coopérer pleinement avec la Commission », ajoute le groupe, présent au Luxembourg depuis 1933, où il emploie plus de 300 personnes, mais où il ne communique pas son chiffre d’affaires. « Le Luxembourg estime qu’aucun traitement fiscal particulier ou avantage sélectif n’a été octroyé à des sociétés du groupe Engie à Luxembourg », a pour sa part réagi le ministère luxembourgeois des Finances dans un communiqué, s’engageant à fournir « toutes les informations requises par la Commission ».

Les deux transactions ciblées par l’enquête ont été accordées, pour la première en 2009 par LNG Luxembourg à GDF Suez LNG Supply, et pour la seconde en 2011 par Electrabel Invest Luxembourg à GDF Suez Treasury Management. Chacune de ces transactions a été traitée par le Luxembourg « de manière incohérente », estime la Commission. D’un côté, le Luxembourg a laissé les emprunteurs agir comme si cette transaction était un emprunt : ils ont ainsi pu déduire les intérêts générés de leurs bénéfices imposables au Luxembourg. De l’autre, les prêteurs ont pu se comporter comme si la transaction constituait, non plus un emprunt, mais une prise de participation : les revenus tirés de la transaction ont ainsi été considérés comme une rémunération de capital et exonérés d’impôts, ainsi que l’autorise la loi luxembourgeoise.

« Ce traitement fiscal entraîne de toute évidence une double non-imposition, du côté des prêteurs et des emprunteurs, de bénéfices générés au Luxembourg », explique la Commission. « Une même entreprise ne peut pas gagner sur les deux tableaux pour une seule et même transaction », a commenté la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans le communiqué.

Un porte-parole de la Commission s’est refusé, lors du point presse quotidien lundi, à évaluer le montant concerné par l’enquête.

L’État français est le principal actionnaire d’Engie, avec 32,8 % du capital au 31 décembre 2015, selon le site Internet du groupe. L’actuel p.-d.g., Gérard Mestrallet, préside aux destinées du groupe depuis plus de 20 ans.

Les avantages fiscaux accordés par des États membres de l’UE à des entreprises multinationales sont dans le collimateur de Bruxelles depuis plusieurs mois. Le 31 août, la Commission a notamment sommé Apple de rembourser à l’Irlande 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux indus assimilés à des aides d’État. En janvier, elle s’était attaquée à au moins 35 multinationales, notamment le brasseur belgo-brésilien AB InBev, ayant bénéficié d’avantages en Belgique, pays au régime fiscal particulièrement favorable aux grands groupes.

C’est la quatrième fois que le Luxembourg est ciblé par une enquête pour un traitement fiscal avantageux. En octobre 2015, la Commission avait ainsi exigé que Fiat rembourse des aides illégales au Grand-duché, qui avait fait appel. Des enquêtes sur McDonald’s et Amazon sont en cours.

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