Fraude fiscale : au procès Wildenstein, la chasse à un coûteux tableau du Caravage

Jeudi 6 octobre 2016

Fraude fiscale : au procès Wildenstein, la chasse à un coûteux tableau du Caravage

L’actu Culture |05 octobre 2016, 15h19

On sait à peu près où il est, vaguement combien il vaut, mais plus très bien à qui il appartient : il a été beaucoup question mercredi au procès des Wildenstein d’un coûteux tableau du Caravage. Le débat autour de ce « Joueur de luth », estimé à 27 millions d’euros dans le dossier, a mis à nouveau en évidence la sophistication des montages financiers utilisés par les Wildenstein pour, selon l’accusation, frauder le fisc. Ce dernier leur réclame plus de 500 millions d’euros, pour avoir dissimulé l’essentiel d’une fortune se montant à plusieurs milliards d’euros. Le patriarche Daniel Wildenstein avait acheté la toile « il y a une vingtaine, une trentaine d’années », selon son fils Guy, désormais chef de famille et directeur de la prestigieuse galerie d’art des Wildenstein. Il est poursuivi pour fraude fiscale et blanchiment. Deux autres héritiers, deux avocats, un notaire et deux entreprises sont jugés avec lui par le tribunal correctionnel de Paris jusqu’au 20 octobre. « Ce tableau à l’origine n’était pas considéré comme un Caravage », poursuit Guy Wildenstein.

Une fois attribué au maître italien du XVIIe siècle, dont les tableaux sont aujourd’hui parmi les plus chers au monde, le Caravage des Wildenstein a un temps été exposé au Metropolitan Museum of Art, le prestigieux musée new-yorkais.

  • Caravage, vedette du marché de l’art -

Depuis quelques années, rien n’enflamme autant le marché de l’art que la découverte présumée d’un Caravage. L’Etat français a par exemple interdit de sortie du territoire une œuvre retrouvée dans un grenier toulousain, qui pourrait être du maître. Cette représentation d’une scène de l’Ancien Testament (Judith décapitant Holopherne), si elle était authentifiée, vaudrait une centaine de millions d’euros.

Le tableau des Wildenstein montre, lui, un jeune garçon rêveur, vêtu d’une ample blouse blanche et jouant du luth, accoudé à une table chargée de partitions et d’instruments de musique. Lorsque meurt Daniel Wildenstein en 2001, la toile n’est pas évoquée dans la première déclaration de succession, transmise en 2002. Sa veuve Sylvia Roth, aujourd’hui décédée, s’estime lésée, saisit la justice et braque ainsi les projecteurs sur la fortune cachée des Wildenstein. Formellement, rappelle le président, la toile n’appartient alors "pas à Daniel Wildenstein, mais à une société détenue par un trust". Les tableaux, demeures luxueuses et autres biens des Wildenstein sont pour la plupart logés dans des « trusts », discrètes sociétés domiciliées dans les paradis fiscaux. Pour la défense, les héritiers n’en sont plus propriétaires et n’ont donc pas à les déclarer. Pour l’accusation, il s’agit d’un artifice fiscal et la famille a toujours disposé de sa fortune comme elle l’entendait.

  • ’Pour mémoire’ -

Voilà d’ailleurs le Caravage qui ressurgit dans une deuxième déclaration de succession, établie en 2008, comme propriété en bonne et due forme du défunt Daniel Wildenstein. Pas d’évaluation financière, ce tableau coûteux est noté dans la déclaration « pour mémoire ». Le président Olivier Géron s’étonne de cette réapparition. Ce Caravage avait été gagé auprès d’une banque, pour financer l’ouverture d’une nouvelle galerie, explique Guy Wildenstein. « C’est à partir de cela qu’il a été considéré comme la propriété de papa », dit encore l’homme d’affaires franco-américain. Il reconnaît qu’il y a eu « confusion entre ce qui était la propriété (de son père Daniel), et la propriété de la galerie » familiale. Laquelle est elle-même, sur le papier du moins, la propriété d’un « trust ». Ce n’est pourtant ni aux Bahamas ou à Guernesey, où sont domiciliés les « trusts » de la famille, ni à New York, où est la galerie, ni à Paris, où est mort Daniel Wildenstein, que se trouve aujourd’hui le Caravage. Il est entreposé « en Suisse », dit Guy Wildenstein au tribunal. Cette année, un autre scandale financier impliquant une toile de maître a eu pour théâtre la Suisse, plus précisément les discrets « Ports francs de Genève », un espace exempté de droits de douane et de TVA. C’est là qu’a été découvert, après les révélations des « Panama Papers », un tableau de Modigliani qui aurait été volé durant la Seconde Guerre mondiale.

AFP

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